Page:Constant - Adolphe.djvu/94

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du bien : son bonheur m’était nécessaire, et je me savais nécessaire à son bonheur.

D’ailleurs, l’idée confuse que, par la seule nature des choses, cette liaison ne pouvait durer, idée triste sous bien des rapports, servait néanmoins à me calmer dans mes accès de fatigue ou d’impatience. Les liens d’Ellénore avec le comte de P***, la disproportion de nos âges, la différence de nos situations, mon départ que déjà diverses circonstances avaient retardé, mais dont l’époque était prochaine, toutes ces considérations m’engageaient à donner et à recevoir encore le plus de bonheur qu’il était possible : je me croyais sûr des années, je ne disputais pas les jours.

Le comte de P*** revint. Il ne tarda pas à soupçonner mes relations avec Ellénore ; il me reçut chaque jour d’un air plus froid et plus sombre. Je parlai vivement à Ellénore des dangers qu’elle courait ; je la suppliai de permettre que j’interrompisse pour quelques jours mes visites ; je lui représentai l’intérêt