Page:Constant - La Druidesse.djvu/16

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C’est l’heure des esprits ! Seule dans l’ombre épaisse,
Où se perdent soudain esquif et druidesse,
Où les flots du Gwenet et ceux de l’océan
Se mêlent sans se voir au sein du Morbihan,
L’onde murmure encore aux flancs de la nacelle.
O fille de Camma, que n’attendis-tu celle
Dont le flambeau céleste eût chassé l’affreux kor !
Sur la bruyère, au loin, d’Héol aux cheveux d’or
Bientôt va se lever l’amante radieuse :
Du ciel, Bélisana, la reine glorieuse
Eût déjà salué ton fortuné retour
Et répandu sur toi, comme un regard d’amour,
Sa lumière d’argent, ô prêtresse fidèle !

Mais qu’est-ce ? Écoute, ô nuit ! Une ombre se plaint-elle ?
Du fantôme éploré l’aile a-t-elle frémi ?
Sous la barque funèbre un flot a-t-il gémi ?
On dirait un soupir exhalé de l’abîme.
Écoute, écoute, ô nuit ; l’écho parle et s’anime.
C’est lui ! C’est le prélude ! Entends tu ses accords !
Une âme fait vibrer la corde des transports.
C’est ton âme divine, ô grand barde du chêne,
C’est ta cithare aux doigts de la vierge de Sène.
De Hu, la fille seule avec lui peut lutter.
Prête l’oreille, ô Mor, le barde va chanter.

Vogue au courant, chère nacelle,
Bras au repos, rames à bord !
Noire est la nuit ! qu’importe à celle
Qui ne craint rien que le Dieu fort !
Vers Gavr-Ynys, onde fidèle,
Coule toujours, coule pour elle :
Nous toucherons au même port !