Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/106

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d’en avoir en lui. J’espérais, avec un mélange de crainte, que nous nous parlerions le lendemain plus à cœur ouvert.

Mais le lendemain n’apporta aucun changement à sa manière, et quelques tentatives que je fis pour amener une conversation à ce sujet, quelques assurances de regret que je hasardai avec embarras, n’avaient obtenu aucune réponse ; il ne fut, pendant les trois jours que je passai à Bois-le-Duc, question de rien entre nous. Je sens que j’aurais dû rompre la glace. Ce silence, qui m’affligeait de la part de mon père, le blessait probablement de la mienne.

Il l’attribuait à une insouciance très blâmable après une aussi inexcusable conduite : et ce que je prenais pour de l’indifférence était peut-être un ressentiment caché. Mais dans cette occasion comme dans mille autres de ma vie, j’étais arrêté par une timidité que je n’ai jamais pu vaincre, et mes paroles expiraient sur mes lèvres, dès que je ne me voyais pas encouragé à continuer. Mon père arrangea donc mon départ avec un jeune Bernois, officier dans son régiment[1].

  1. Voir Appendice XXI, p. 125.