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d’injustice et de tyrannie les oligarques qui n’étaient coupables que de monopole et d’insolence, mon père les rendit injustes pour lui, et il lui en coûta enfin sa place, la fortune et le repos des vingt-cinq dernières années de sa vie[1].

Rempli de toute sa haine contre le gouvernement de Berne, je me trouvai à peine dans une chaise de poste avec ce Bernois que je commençai à répéter tous les arguments connus contre la politique, contre les droits enlevés au peuple, contre l’autorité héréditaire, etc., ne manquant pas de promettre à mon compagnon de voyage que, si jamais l’occasion s’offrait, je délivrerais le pays de Vaud de l’oppression où le tenaient ses compatriotes. L’occasion s’est offerte onze ans après. Mais j’avais devant les yeux l’expérience de la France où j’avais été témoin de ce qu’est une révolution, et acteur assez impuissant, dans le sens d’une liberté fondée sur la justice, et je me suis bien gardé de révolutionner la Suisse. Ce qui me frappe, quand je me retrace ma conversation avec ce Bernois, c’est le peu

  1. Voir Appendice XXII, p. 125.