Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/33

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entretenait dans sa maison. Elle fut enfin rappelée à Paris pour y vivre avec cette maîtresse que son mari voulait l’obliger à servir, et les mauvais traitements dont il l’accabla la poussèrent à s’empoisonner. J’étais alors à Paris moi-même et je demeurais dans son voisinage : mais j’ignorais qu’elle y fût, et elle est morte à quelques pas d’un homme qu’elle avait aimé et qui n’a jamais pu entendre prononcer son nom sans être ému jusqu’au fond de l’âme, elle est morte, dis-je, se croyant oubliée et abandonnée de toute la terre.

Il y avait à peine un mois que je jouissais de son amour, quand mon père vint me prendre pour me ramener en Suisse. Madame Johannot et moi nous nous écrivîmes de tristes et tendres lettres, au moment de mon départ. Elle me donna une adresse sous laquelle elle consentit à ce que je continuasse à lui écrire : mais elle ne me répondit pas. Je me consolai sans l’oublier, et l’on verra que bientôt d’autres objets prirent sa place. Je la revis deux ans après une seule fois à Paris, quelques années avant ses malheurs. Je me repris de goût pour elle. Je lui fis une seconde visite ; elle était partie : lorsqu’on me le dit,