Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/47

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II


Ce fut à cette époque (1787) que je fis connaissance avec la première femme d’un esprit supérieur que j’aie connue, et l’une de celles qui en avait le plus que j’aie jamais rencontrée. Elle se nommait madame de Charrière. C’était une Hollandaise d’une des premières familles de ce pays, et qui, dans sa jeunesse, avait fait beaucoup de bruit par son esprit et la bizarrerie de son caractère. À trente ans passés, après beaucoup de passions, dont quelques unes avaient été assez malheureuses, elle avait épousé, malgré sa famille, le précepteur de ses frères, homme d’esprit, d’un caractère délicat et noble, mais le plus froid et le plus flegmatique que l’on puisse imaginer. Durant les premières années de son mariage, sa femme l’avait beaucoup tourmenté pour lui imprimer un mouvement égal au sien ;