Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/59

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M. de Charrière qu’elle pria d’interroger lui-même sa fille sur ses sentiments pour moi. Mademoiselle Pourras répondit très nettement à M. de Charrière que je ne lui avais jamais parlé d’amour, qu’elle avait été fort étonnée de mes lettres, qu’elle n’avait jamais rien fait et ne m’avait jamais rien dit qui pût m’autoriser à des propositions pareilles, qu’elle ne m’aimait point, qu’elle était très contente du mariage que ses parents projetaient pour elle, et qu’elle se réunissait très librement à sa mère dans ses déterminations à mon égard. M. de Charrière me rendit compte de cette conversation, en ajoutant que, s’il eût aperçu dans la jeune personne la moindre inclination pour moi, il eût essayé de déterminer la mère en ma faveur.

Ainsi se termina l’aventure. Je ne puis dire que j’en éprouvasse une grande peine. Ma tête s’était bien montée de temps à autre ; l’irritation de l’obstacle m’avait inspiré une espèce d’acharnement ; la crainte d’être obligé de retourner vers mon père m’avait fait persévérer dans une tentative désespérée ; ma mauvaise tête m’avait fait choisir les plus absurdes moyens que ma timidité avait rendus encore plus