Page:Contes de l Ille et Vilaine.djvu/113

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d’écume s’arrêta ; il l’enfourcha et la conduisit vers Bain.

Lorsqu’il eut dépisté les chiens des barons de Châteaubriant, il se dit en lui-même : « C’est assez agréable de courir ainsi sur une biche. Si au lieu de m’en aller tout droit, je faisais une promenade à travers champs, sainte Emerance n’en saurait rien. »

La bête, en voyant qu’il cherchait à l’éloigner de la route, poussa des soupirs et voulut résister ; mais il la frappa si violemment de son bâton qu’elle partit au galop.

Une fois lancée, elle ne s’arrêta plus. Ce fut une course vertigineuse, fantastique, échevelée, folle ; elle passait à travers les halliers des bois, les haies des champs, les genêts, les buissons, les ajoncs, et malgré tout ce que fit son conducteur pour l’arrêter, il ne put y réussir.

Tout à coup elle arriva sur le bord d’un précipice. Victor, tremblant de frayeur, voulut à toute force la retenir, mais il n’y parvint pas. Elle s’élança dans l’espace et lui, perdant connaissance, roula dans une carrière abandonnée d’une profondeur immense.