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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/460

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assez rare pour mériter sa curiosité, et, montant dans un chariot magnifique, il fut à la fontaine des lions ; il y en avait sept de marbre, qui jetaient par la gueule des torrents d’eau, dont il se formait une rivière sur laquelle on traversait la ville en gondole.

Trinquet s’approcha du grand bassin, et, sans reprendre haleine, il tarit cette source aussi sèche que s’il n’y avait jamais eu d’eau. Les poissons de la rivière criaient vengeance contre lui, car ils ne savaient que devenir. Il n’en fit pas moins à toutes les autres fontaines, aux aqueducs et aux réservoirs ; enfin il aurait bu la mer, tant il était altéré. Après une telle expérience, l’empereur ne pouvait guère douter qu’il ne bût le vin aussi-bien que l’eau, et chacun dépité n’avait guère envie de lui donner le sien ; mais Trinquet se plaignit hautement de l’injustice qu’on lui faisait ; il dit qu’il aurait mal à l’estomac, et qu’il ne prétendait pas seulement avoir le vin, mais que les liqueurs étaient aussi de son marché ; de sorte que Matapa, craignant de paraître trop ménager, consentit à ce que Trinquet lui demandait. Fortuné, prenant son temps, supplia l’empereur de se souvenir de ce qu’il lui avait promis. À ces paroles, il prit un air sévère, et lui dit qu’il y penserait.

En effet, il assembla son conseil pour lui déclarer le chagrin extrême où il était d’avoir promis à ce jeune ambassadeur tout ce qu’il avait gagné sur son maître ; qu’il y avait attaché des conditions dont il avait cru l’exécution impossible, et, qu’il pourrait dire, pour éviter une chose qui lui était si préjudiciable. La princesse sa fille, qui était une