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il dit à son fils qu’il regrettait que tout cela ne fût qu’un malentendu.

— Non, non, disait John en lui-même en se promenant à grands pas dans la bibliothèque, non, lady Chatterton, il ne sera pas dit que vous m’aurez mis le pistolet sur la gorge pour me donner une femme ; si jamais cela arrive, je veux bien… ; mais Grace… ! À ce nom John sentit qu’il refusait son bonheur ; mais le dépit l’emporta sur l’amour.

Du moment où Grace craignit la démarche indiscrète dont sa mère l’avait menacée, sa conduite changea totalement ; à peine osait-elle lever les yeux ; son désir le plus vif était de partir ; et quoiqu’elle sentît son cœur prêt à se briser, elle évitait l’approche de John comme celle d’un serpent.

M. Benfield avait prolongé sa visite de quelques semaines ; le terme était expiré, et il désirait partir. John saisit avec empressement cette occasion de s’éloigner, et le lendemain de la conversation qu’il avait eue avec son père, il accompagna son oncle à Benfield-Lodge, antique manoir de ses ancêtres.

Lady Chatterton, qui s’apercevait, mais trop tard, qu’elle s’était méprise sur les moyens d’arriver à son but, s’étonnait qu’un plan conçu et dirigé avec tant d’adresse eût pu produire un si fâcheux résultat.

Dans son dépit elle prit la ferme résolution de ne plus s’entremettre entre sa fille et le jeune Moseley, puisqu’ils étaient si différents des amants ordinaires, et que ce qui eût fait le bonheur de mille autres les séparait plus que jamais.

Voyant qu’il lui serait inutile de rester plus-longtemps à Moseley-Hall, elle partit accompagnée de ses deux filles, pour se rendre dans la capitale, où elle espérait trouver son fils.

Le docteur Yves et sa femme arrivèrent le même jour au presbytère ; leur absence rendit plus vif encore le plaisir qu’on eut à les recevoir, et ils faisaient de fréquentes visites au château, ainsi que Denbigh, qui était redevenu leur hôte.

Egerton commença à parler lui aussi de son départ ; mais il annonçait l’intention d’aller à L***, pendant le temps que la famille de sir Edward serait à Benfield-Lodge.

L*** était un petit village sur la côte, à un mille du château de M. Benfield, où se réunissaient les gentilshommes des environs, pendant la saison des bains de mer. Le baronnet avait promis à