Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/112

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son oncle de venir le voir plus tôt que de coutume, pour avoir le temps de conduire Jane à Bath, avant de partir pour Londres, où Mrs Jarvis devait se rendre de son côté avec son aimable famille.

Qu’il nous soit permis de jeter un coup d’œil sur les motifs qui faisaient agir quelques-uns des principaux personnages de notre histoire, et de voir si la prudence peut les approuver.

Précaution est un mot dont le sens paraît fort simple, et dont l’application cependant varie à l’infini. Les uns la négligent, tandis que d’autres veulent la pousser trop loin. Si elle peut nous préserver d’une infinité d’écueils, c’est surtout lorsqu’il s’agit de former des liens indissolubles.

Le mariage est, dit-on, une loterie dans laquelle il y a plus de billets blancs que de bons billets. Mais n’est-ce pas notre folie qui multiplie contre nous les chances les plus défavorables ? Et en serait-il ainsi, si nous mettions dans l’affaire la plus importante de notre vie cette même circonspection, cette même prudence que nous montrons quelquefois pour des intérêts secondaires ?

Mrs Wilson, qui veut assurer le bonheur de sa nièce, ne croit pouvoir prendre trop de précautions pour éclairer son jugement, et diriger son choix. Elle veut que le mari d’Émilie ait de la religion, des principes, et sa tendre sollicitude veille constamment à ce que les affections de cette âme aimante et sensible ne soient pas surprises à son insu.

Lady Chatterton, qui n’a qu’un désir au monde, celui d’établir ses filles, qui ne voit point de salut pour elles hors du mariage, et dont l’unique pensée est de leur assurer un époux, dirige toute l’énergie de son âme vers ce seul objet ; et, à force de précautions, elle dépasse le but qu’elle veut atteindre. John Moseley, au contraire, qui déteste toute contrainte, et qui veut rester libre et maître de ses actions, se tient sur ses gardes ; et, jaloux de maintenir ses droits, il leur fait le sacrifice même de son bonheur ; il s’oppose de toutes ses forces aux intrigues de la douairière, qui ne veut cependant que ce qu’il désire lui même avec tant d’ardeur, et il s’expose à perdre celle qu’il aime, plutôt que de paraître ne céder en l’épousant qu’aux importunités de sa mère.