Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait dévorés depuis son enfance, que le moment d’une séparation est ordinairement celui d’une crise décisive dans une affaire de cœur, et sa modestie lui faisait éviter plutôt que chercher l’occasion de favoriser les vues qu’elle supposait au colonel.

Egerton, de son côté, n’avait point paru très-empressé d’en venir au fait, et les choses en restèrent là. Les deux amants se croyaient sûrs de l’affection l’un de l’autre, et on eût pu dire qu’il existait entre eux un de ces engagements implicites, qu’il y eût eu de la mauvaise foi à rompre, mais auxquels néanmoins on ne se fait pas grand scrupule de manquer lorsqu’ils vous gênent.

L’expérience nous le prouve assez souvent : l’homme est une créature qu’il est nécessaire de tenir attachée à son devoir par des restrictions salutaires ; et il ne serait peut-être pas si mal qu’il y eût un code pour les amants, et qu’injonction fût adressée à tout homme qui fait la cour de s’expliquer clairement, sauf à la femme à lui répondre en termes aussi nets. Que de malheurs arrivent trop souvent pour n’avoir pas su s’entendre ! Mais c’est assez nous occuper de Jane et d’Egerton ; songeons un peu aux autres personnages de notre histoire.

Il y avait à Moseley-Hall un petit parloir, où jamais aucun étranger n’était admis. Les dames y passaient une partie de leurs matinées, occupées de petits ouvrages de leur sexe ; et elles y rentraient avec un nouveau plaisir lorsque quelques visites importunes les avaient forcées de le quitter ; et souvent les deux sœurs se dérobaient quelques instants au monde qui remplissait les grands appartements, pour venir se communiquer à la hâte leurs observations, et respirer un moment en liberté.

C’était une retraite inabordable pour les fâcheux, et consacrée tout entière au bonheur domestique. Sir Edward venait s’y reposer de ses fatigues, sûr d’y trouver toujours quelqu’un qu’il aimait et avec qui il pût se distraire des soins plus importants de la vie

Lady Moseley, même au milieu des embarras agréables que lui donnait sa splendeur renaissante, passait rarement devant la porte sans l’entrouvrir et adresser un sourire aux amies qu’elle y trouvait rassemblées.

Cet appartement était le plus voisin de celui qu’occupait Denbigh ; on l’invita à s’y réunir à la famille dès que ses forces lui permirent de marcher. D’ailleurs il était impossible qu’on le re-