Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/124

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sa tante n’avait pu lui refuser de cultiver un talent naturel que l’art avait bientôt rendu très-remarquable.

Émilie était assise devant le secrétaire, et Denbigh immobile la contemplait avec admiration.

Elle était entrée dans le parloir, très échauffée par la promenade ; ses beaux cheveux tombaient en grosses boucles sur ses épaules, dont elles faisaient ressortir la blancheur ; ses joues, animées par l’exercice qu’elle venait de faire et par l’émotion, brillaient des plus vives couleurs ; une robe de mousseline dessinait sa taille élégante, et son doux regard se portait à chaque instant sur celui qu’elle croyait assoupi, et qui eût voulu dormir ainsi toute sa vie.

Une grande glace était devant Denbigh ; tout à coup Émilie, pour mieux voir l’effet du dessin auquel elle travaillait, le prit dans ses mains, et s’approcha d’une fenêtre. Elle était placée de manière que le dessin se réfléchissait tout entier dans la glace. Du premier coup d’œil Denbigh reconnut la scène qu’elle avait voulu reproduire ; le berceau, le fusil lui-même, tout y était ; son portrait seul n’était pas tout à fait fini, et Émilie avait voulu profiter de son sommeil pour en rendre la ressemblance plus frappante.

Après un quart d’heure de travail, elle considéra de nouveau son ouvrage, et Denbigh put l’observer encore pendant quelques minutes. Émilie avait complètement réussi ; Denbigh était parlant, ses yeux étaient fixés sur elle ; mais il lui sembla que l’artiste ne s’était pas rendu assez de justice. L’homme qui tenait le fusil n’avait de John que son costume ; quant au capitaine Jarvis, il était si ressemblant, que Denbigh l’eût reconnu partout.

Au bruit que fit quelqu’un en approchant, Émilie ferma précipitamment son carton de dessin ; ce n’était qu’un domestique ; mais elle n’osa se remettre à l’ouvrage. Denbigh épiait tous ses mouvements ; elle renferma son dessin dans un tiroir particulier du secrétaire, rouvrit le store, et vint replacer le mouchoir comme il était auparavant.

— Il est plus tard que je ne pensais, dit Denbigh en paraissant s’éveiller et en regardant à sa montre ; combien d’excuses ne vous dois-je pas, miss Moseley, pour m’être ainsi oublié dans votre parloir ? Mais j’étais si fatigué…

— Des excuses ? monsieur Denbigh, dit Émilie en rougissant et en pensant combien elle avait été près d’être découverte, vous n’en