Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/179

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voulut faire l’aimable, chercha à plaire, mais d’une manière plus offensante que dangereuse. Ses attentions enfin devinrent si fatigantes, que Julia forma vingt fois le projet de s’arrêter au premier village, et de renoncer au voyage d’Angleterre. Mais le désir d’accomplir le dernier vœu de Fitzgerald, d’aller consoler une mère de la perte de son fils unique, et surtout la crainte du ressentiment de son père, la déterminèrent à s’armer de patience jusqu’à ce qu’elle fût arrivée à Lisbonne, où elle se promettait bien de se séparer pour jamais de son soi-disant protecteur, qu’elle commençait à craindre plus que tous les dangers dont il était censé la préserver.

Le dernier jour de ce désagréable voyage, en traversant un bois, l’officier oublia tellement les égards qu’il devait à une femme malheureuse et confiée à son honneur, que Mrs Fitzgerald au désespoir se jeta hors de la voiture, et eut le bonheur d’attirer par ses cris un officier qui suivait à cheval la même route. Celui-ci accourut aussitôt au secours de la belle affligée ; mais un coup de pistolet, tiré de la voiture, tua son cheval, et tandis que le cavalier se relevait, le traître s’échappa.

Julia s’efforça de ranimer ses esprits pour expliquer à son libérateur la situation étrange où il l’avait trouvée, et sa jeunesse, sa douleur, la franchise répandue sur tous ses traits le convainquirent bientôt de sa véracité. Tandis qu’ils délibéraient sur les moyens de sortir du bois, le détachement de dragons qu’il commandait le rejoignit ; l’officier en dépêcha quelques-uns au prochain village, avec ordre de leur en ramener une voiture quelconque, et il envoya les autres à la poursuite de celui qu’il regardait comme la honte de l’armée : ses premiers ordres furent aisément exécutés ; mais, après avoir trouvé à quelque distance la petite voiture couverte dont on avait emmené le cheval, il fut impossible de découvrir les moindres traces de l’indigne suborneur. Jamais Julia n’avait su son nom, et, soit par un effet du hasard ou des artifices du traître, jamais elle n’avait pu découvrir qui il était.

Lorsqu’ils furent arrivés à Lisbonne, tous les amusements, toutes les distractions que peuvent procurer une fortune considérable, un rang distingué et les relations les plus étendues furent prodigués à la veuve inconsolable, par le comte de Pendennyss ; car c’était lui qui, partant du quartier-général pour por-