Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/205

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auquel John s’était adressé ne le connaissait pas. Voyant qu’il ne pourrait rien apprendre de plus, il se retira.

Au désappointement de John se mêlait un peu d’humeur ; car il lui paraissait évident que Denbigh avait voulu l’éviter ; il ne doutait pas qu’il ne fût compagnon de voyage du duc de Derwent, et il perdit tout espoir de le trouver à Londres. Tandis qu’il retournait chez lui dans une situation d’esprit que personne n’eût pu lui envier, et qu’il réfléchissait aux tristes nouvelles qu’il avait à reporter à L***, il rencontra Chatterton. Si quelqu’un pouvait consoler John, c’était son ami. Les deux jeunes gens s’accablèrent réciproquement de questions sur leur famille, et John apprit avec bien du plaisir que la douairière était à Londres avec ses filles. Chatterton demanda avec empressement des nouvelles d’Émilie, il s’informa aussi de Denbigh avec un intérêt tout particulier, et ce fut avec une surprise mal déguisée qu’il apprit son départ subit de L***.

Lady Chatterton n’avait pu se dissimuler combien les tentatives qu’elle avait faites pour rapprocher Moseley de sa fille avaient été funestes à ses projets ; aussi se promit-elle bien, en le voyant entrer, de cacher avec soin ses désirs secrets, et aucun mot de sa part ne vint alarmer l’amour-propre et la susceptibilité de John. On peut croire cependant qu’elle fut enchantée de le revoir ; et, si on peut s’en rapporter au trouble, à la rougeur, aux palpitations du cœur d’une jeune fille, Grace n’en était pas fâchée non plus. Il est vrai qu’elle désirait depuis longtemps avoir des nouvelles d’Émilie et du reste de sa famille, et qu’elle se trouvait heureuse d’en avoir d’aussi directes que celles que lui donnait M. Moseley ; enfin elle cherchait à déguiser son embarras sous un prétexte qui parût plausible. Les yeux de Grace exprimaient tout ce que disait sa bouche, peut-être plus encore ; et jamais John ne l’avait trouvée aussi jolie.

Lorsque John arriva chez la douairière, il s’y trouvait un homme d’un certain âge, qui paraissait d’une mauvaise santé, quoiqu’il affectât beaucoup de gaieté, et qu’une toilette très-soignée cherchait à déguiser les outrages du temps. Quelques minutes suffirent pour convaincre John que c’était un prétendant à la main de Catherine ; et la partie d’échecs dont il fut témoin lui prouva que ce prétendant paraissait digne à Catherine et à sa mère des soins et des attentions les plus marquées. Lady Chatterton le pré-