Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/212

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mon refus abréger son existence ? Mrs Fitzgerald était suffoquée par les larmes en faisant cette question à son amie, et elle attendit sa réponse dans un morne silence.

— Le changement de religion est-il une condition indispensable ? demanda Mrs Wilson d’un air pensif.

— Oh ! oui sans doute, s’écria Julia en frissonnant. Au reste, ce n’est qu’une juste punition de ma première désobéissance, et je me soumets sans murmurer à la volonté de la Providence. Je sens tout ce que l’apostasie a d’horrible et de révoltant. Je suis née protestante, et je mourrai telle.

— Ce sont des principes que je ne puis qu’approuver, dit Mrs Wilson ; je ne suis pas exclusive, et je regarde comme un malheur que, dans la position où vous vous trouviez, vous n’ayez pas été élevée dans la religion catholique. On vous aurait épargné bien des peines, et votre père n’eût pas été abreuvé d’amertumes sur la fin de ses jours ; mais à présent, changer de religion, lorsque votre croyance embrasse des doctrines si opposées à celles de l’Église romaine, ce serait commettre une offense que rien ne saurait justifier. Je suis sûre que votre oncle se rendra à vos raisons, lorsque vous les lui exposerez avec franchise ; et, comment peut-il exiger que vous professiez des principes que vous croyez faux, et que vous pratiquiez des cérémonies que vous condamnez comme inconvenantes ! Ne doit-il pas lui suffire que vous soyez chrétienne, sans qu’il vous force à embrasser sa religion ?

— Ah ! Madame, s’écria Mrs Fitzgerald du ton du désespoir, vous connaissez peu les préjugés de mes compatriotes sur cette matière !

— Mais, s’écria Mrs Wilson, l’amour paternel n’est-il pas plus fort que tous les préjugés ?

Mrs Fitzgerald la regarda d’un air d’incrédulité, puis, rassemblant toutes ses forces, elle dit : — Le combat qui se passe dans mon âme est terrible ; mais le devoir le plus sacré l’emportera ; je resterai fidèle à ma croyance.

— Très-bien, ma chère amie, repartit Mrs Wilson avec douceur, et soyez sûre que cette pieuse résignation recevra sa récompense. Redoublez d’efforts pour attendrir le comte, tâchez de mettre votre oncle dans vos intérêts, et soyez sûre que la nature finira par triompher.

— Ah ! je n’ose embrasser de si douces espérances ! Voilà donc