Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/268

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Dès ce moment le sort de Jarvis fut fixé… dans l’imagination de miss Harris, qui résolut de devenir sa femme aussitôt qu’elle pourrait l’amener à lui offrir sa main, victoire qui lui paraissait beaucoup moins difficile à remporter que celle qu’elle venait d’obtenir sur son avarice.

Mais le capitaine était bien loin d’en être où elle le croyait. Comme tous les hommes faibles, il n’y avait rien qu’il craignît autant que le ridicule ; vingt fois il avait entendu les jeunes gens de Bath s’amuser aux dépens de miss Harris et de ses manœuvres, et il n’avait pas envie de devenir à son tour le sujet des railleries de ces messieurs. Il ne s’était lié avec Caroline que par une sorte de bravade ; il avait voulu prouver à quelques jeunes gens, amis comme lui de la bouteille, et avec qui il passait les trois quarts de sa vie, qu’il pourrait s’exposer aux artifices les mieux combinés de cette beauté célèbre, et que son adresse saurait les déjouer tous. Ainsi toutes les manœuvres de miss Harris n’avaient abouti qu’à en faire le jouet même d’un Jarvis !

Au retour de la promenade, Caroline, se croyant bien sûre de son fait, fit part à lady Jarvis de la conversation qu’elle venait d’avoir avec le capitaine, et lui offrit sa bourse particulière, pour élever ce fils si cher à la dignité de la pairie.

Lady Jarvis désirait acheter une baronnie, sous la condition que si elle parvenait à faire monter à son fils un degré de plus sur la route des honneurs, il ne lui resterait plus qu’à payer la différence. C’était de cette manière qu’elle lui avait acheté son brevet de capitaine. Elle avait plus d’un obstacle à surmonter, car le cher objet de sa sollicitude, ou plutôt de son orgueil maternel, s’opposait à tous les projets qui auraient pu l’obliger à rendre quelques centaines de livres, qu’il avait obtenues de la faiblesse de sa mère ; et celle-ci était forcée d’attendre qu’elle eût réuni tout l’argent nécessaire pour atteindre le but que se proposait son ambition. Enchantée d’entrevoir dans l’offre de Caroline un moyen plus prompt d’y arriver, elle voulut donner à son fils un avant-goût du bonheur qu’elle lui préparait, et elle lui abandonna un billet de 60 livres qu’elle avait obtenu le matin de son mari. Le soir même Jarvis le perdit d’un coup de dé contre son beau frère.

Pendant le séjour à Bath de la famille Moseley, soit qu’Egerton eût été véritablement occupé, ou qu’il eût évité avec soin les en-