Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/299

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— Pour moi ! s’écria Émilie en tressaillant, et sortant d’une profonde rêverie sur la perspective du bonheur qui s’ouvrait pour lady Laura, vous êtes trop bonne, Henriette ; mais pourrais-je savoir à qui votre imagination me destine ? ajouta-t-elle en s’efforçant de sourire.

— À qui, mon Émilie ? au seul homme qui soit digne de vous, à mon cousin Pendennyss. Ah ! dit-elle en riant et en lui prenant la main, il y a longtemps que Derwent et moi nous avons arrangé cette affaire, et je suis sûre que vous serez de notre avis, dès que vous le connaîtrez.

— Le duc de Derwent ! s’écria l’innocente Émilie avec surprise, et ses joues se couvrirent d’une vive rougeur.

— Oui, le duc, reprit la jeune lady Chatterton ; vous trouvez singulier, je le vois, qu’un amant rebuté dispose si vite de sa maîtresse, mais nous avons pris cette affaire à cœur. Le comte est arrivé la nuit dernière, et sa sœur et lui doivent dîner aujourd’hui familièrement avec nous. Eh bien ! ma chère miss Wilson ! ne vous avais-je pas préparé une agréable surprise ?

— Oh ! bien agréable, je vous assure, répondit la veuve enchantée, et pouvant à peine se persuader qu’elle allait voir enfin celui qu’elle désirait connaître depuis si longtemps. Mais d’où arrive-t-il ?

— Du comté de Northampton, où il vient d’acheter un joli manoir… mon Dieu, tout près de chez vous, à ce qu’on m’a dit, et vous voyez qu’il entre d’avance dans nos vues.

— Il est vrai, dit Émilie en plaisantant, que l’acquisition du Doyenné m’en paraît une preuve convaincante ; mais le comte manquait-il donc de maisons, pour acheter celle-là ?

— Non, certainement : sans parler de son hôtel à Londres, qui est un véritable palais, il a trois châteaux qu’il tient de ses ancêtres, et qui, plus grands, plus magnifiques les uns que les autres, sont situés dans les contrées les plus pittoresques du royaume ; mais il n’en avait point dans le Northampton, dit Henriette en riant. À dire vrai, il offrit à George Denbigh d’aller habiter le Doyenné pendant l’été prochain ; mais le colonel désire ne pas s’éloigner d’Eltringham ; Pendennyss le sait, et je pense que cette offre n’était qu’une ruse pour mieux cacher ses projets. Maintenant que vous connaissez aussi les nôtres, Émilie, vous devez juger que nous lui avons épargné vos louanges, pendant que nous étions avec lui dans le Westmoreland.