Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Le duc de Derwent ! monsieur Denbigh ?

— Oh ! chère Mrs Wilson ; je vous en prie, ne me donnez plus un nom qui m’est devenu presque odieux.

— Si vous ne pouvez plus entendre prononcer votre nom sans rougir, je vous plains, dit Mrs Wilson d’un air grave, mais…

— De grâce, ne me rappelez pas ma folie, interrompit-il vivement ; n’en ai-je pas été assez puni ? Daigner m’appeler par mon titre.

— Votre titre ! s’écria Mrs Wilson étonnée. Émilie leva la tête et lui montra ses traits décomposés, sur lesquels une vive rougeur venait de remplacer une pâleur mortelle. Ses yeux, fixés sur lui dans l’attente de ce qu’il allait répondre, semblaient lancer des éclairs.

— Que voulez-vous dire ? demanda Denbigh ; y a-t-il encore entre nous quelque fâcheuse erreur que j’ignore ? et prenant la main de Mrs Wilson, il la pressa tendrement entre les siennes en ajoutant :

— Par pitié ne me laissez pas dans cette cruelle incertitude !

— Pour l’amour de la vérité, par égard pour moi, pour notre bonheur à tous, répondez sincèrement : — Qui êtes-vous ? dit Mrs Wilson d’un ton solennel.

En retenant toujours sa main, il fléchit le genou devant elle, et répondit sur le même ton :

— Je suis l’élève, le fils d’adoption de votre mari, le compagnon de ses dangers, celui qui partagea tous ses plaisirs et toutes ses peines, je suis le comte de Pendennyss.

Mrs Wilson posa sa tête sur l’épaule du jeune homme agenouillé devant elle ; elle le serra contre son cœur et fondit en larmes ; pendant quelques moments ils furent tout entiers à leurs souvenirs ; mais un cri de Pendennyss rappela la veuve à la situation de sa nièce.

Émilie était tombée évanouie sur le sopha.

Une heure se passa avant que lady Chatterton parvînt à se débarrasser des importuns qui l’empêchaient de rentrer dans le salon, où elle fut très-étonnée de trouver le comte. Après les avoir tous regardes avec surprise, Henriette s’écria :

— À merveille ! il me paraît que vous ne vous gênez pas. Depuis combien de temps Votre Seigneurie honore-t-elle ma maison de sa présence, et comment avez-vous pris la liberté de vous présenter vous-même à Mrs Wilson et à miss Moseley ?