même but, dit le général en souriant ; mais il me semble que nous devons d’abord procurer à nos enfants de fréquentes occasions de se voir, et les abandonner quelque temps à l’impulsion de leurs cœurs.
— L’impulsion de leurs cœurs ! reprit sir Peter brusquement ; et où avez-vous trouvé, Frédéric, qu’on dût abandonner une femme à un pilote si prudent ?
— Non pas toutes les femmes, certainement, mon bon ami ; mais une jeune personne telle que celle que je brûle de nommer ma fille doit faire exception.
— Je n’en sais rien ; Bell est une bonne fille, mais, comme tout son sexe, elle a ses fantaisies et ses caprices.
— Je crois cependant qu’elle ne vous a jamais donné aucun sujet de chagrin, Howell, dit sir Frédéric en jetant sur son ami un regard inquiet.
— Non, pas encore, et je ne crois pas qu’elle ose se mutiner ; mais depuis notre retour, un certain jeune homme m’a déjà témoigné le désir de la prendre sur son bord.
— Comment ! dit son ami alarmé… Quel est-il ?… quelque officier de marine, je suppose ?
— Non, c’est une espèce de chapelain, un docteur Yves, un bon garçon en vérité, le favori de ma sœur, lady Hawker.
— Eh bien ! qu’avez-vous répondu, Peter ? s’écria le général dont l’inquiétude allait toujours croissant ; l’avez-vous refusé ?
— Certainement ; croyez-vous que j’aie envie d’avoir pour gendre un rat d’église ? Non, non, Denbigh, c’est bien assez d’avoir consenti à donner ma fille à un officier de terre.
Le général se mordit les lèvres en entendant une attaque si directe contre une profession qu’il regardait comme la plus noble de toutes ; mais, se rappelant les quatre-vingt mille livres du marin, et accoutumé aux brusqueries de son ami, il fit taire son ressentiment, et lui dit :
— Mais que pense miss Howell de ce jeune ministre ?
— Comment ?… ce qu’elle en pense ?… mais… mais… je ne le lui ai jamais demandé.
— Vous ne le lui avez jamais demandé ?
— Vraiment non. Elle est ma fille ; elle obéit à mes ordres, et je ne permettrai pas qu’elle épouse un ministre. Mais une fois pour toutes, à quand la noce ?