Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tien modeste, dans ses regards brillants d’innocence et d’amour, on reconnaissait l’élève de Mrs Wilson.

En voyant M. Jarvis se rendre d’un air posé et réfléchi au banc de sir William Harris, on aurait pu le prendre pour un autre sir Edward Moseley ; mais le calme avec lequel il écarta les pans de son habit avant de s’asseoir, lorsqu’on aurait cru qu’il allait se mettre à genoux, la prise de tabac qu’il prit tranquillement en jetant les yeux autour de lui pour examiner l’édifice, n’eussent pas tardé à détromper et à convaincre que ce qui avait paru d’abord du recueillement, n’était que la supputation de quelque intérêt commercial, et que sa présence était un sacrifice qu’il faisait à l’usage ; sacrifice rendu plus facile par l’épaisseur des coussins sur lesquels il était assis, et par l’agrément de pouvoir du moins dans un banc étendre commodément ses jambes.

Sa femme et ses filles avaient fait une toilette brillante, propre à faire ressortir les charmes de leurs personnes ; et, avant de s’asseoir, elles examinèrent longtemps les places qui leur avaient été préparés, pour aviser aux moyens de chiffonner le moins possible leur superbe parure.

Enfin le ministre, accompagné de son fils, sortit de la sacristie. Il y avait tant de dignité dans la manière dont ce respectable ecclésiastique remplissait les fonctions de son ministère, que son aspect seul frappait de respect ceux qui assistaient aux saints offices, et les disposait à écouter avec recueillement la parole divine. Un silence imposant régnait dans l’église, lorsque le banc réservé pour la famille du ministre s’ouvrit tout à coup, et les deux étrangers qui étaient arrivés la veille au presbytère vinrent y prendre place. Tous les yeux se tournèrent vers le vieillard affaibli qui semblait avoir déjà un pied dans la tombe, et n’être retenu encore sur les limites de cette vie que par la tendresse vigilante de son fils. Refermant avec précipitation la porte de son banc, Mrs Yves se cacha la figure dans son mouchoir ; et le service divin était commencé depuis longtemps, avant qu’elle eût pu se décider à la relever. La voix du ministre était tremblante, et trahissait une émotion qui ne lui était pas ordinaire ; ce que ses paroissiens attribuèrent à la tendre sollicitude d’un père qui est au moment de voir son fils unique montrer s’il est digne de recueillir la plus noble partie de son héritage ; mais, dans le fond, ce trouble provenait d’une autre cause plus puissante encore.