Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/324

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L’époque approchait où George s’attendait à recevoir quelque présent de sa mère ; son espoir ne fut pas trompé, et, le cœur rempli de joie, il courut à la chambre de Francis, résolu de lui faire accepter de gré ou de force les vingt guinées qui venaient de lui être envoyées.

En ouvrant précipitamment la porte, il vit que son frère s’efforçait de cacher quelque chose derrière ses livres. C’était l’heure du déjeuner, et George avait le projet de surprendre son frère en venant partager avec lui son modeste repas. Ils dînaient tous les jours ensemble, mais ils avaient coutume de déjeuner chacun dans leur chambre. George regarda autour de lui, il ne vit pas de couvert mis ni de table préparée.

Il commença à soupçonner la vérité ; il écarta les livres… ; un morceau de pain et un verre d’eau frappèrent ses yeux. Il ne pouvait plus lui rester aucun doute.

— Francis ! mon frère ! voilà donc où vous a réduit ma folle extravagance ! s’écria-t-il en éprouvant une émotion telle qu’il n’en avait jamais ressenti. Francis voulut chercher quelque défaite ; mais l’amour qu’il avait toujours eu pour la vérité lui enchaîna la langue, et, penchant la tête sur l’épaule de George, il lui dit avec affection : — Ce n’est rien, mon frère, auprès de ce que je voudrais faire pour vous.

George éprouva le remords le plus cuisant, et, trop généreux pour cacher plus longtemps sa faute, il écrivit à lady Margaret le récit détaillé de toute cette aventure.

Pendant quelques jours Francis fut un nouvel être. Il avait agi noblement ; sa conscience approuvait sa conduite ; il sentait qu’il pouvait se rendre utile aussi bien que son frère, qui, dès ce moment, s’attacha davantage à lui, et sut mieux apprécier son caractère.

Les regards de Francis pouvaient alors rencontrer ceux de George avec assurance ; ils y trouvaient l’expression d’une amitié fraternelle. Sa mélancolie se dissipa en partie, et parfois un sourire venait embellir ses lèvres.

La réponse de lady Margaret à George arrêta tout à coup cet heureux essor, et l’âme de Francis se replia sur elle-même avec encore plus d’humilité qu’auparavant.

« Je suis surprise, mon fils, que vous ayez pu, sans égard pour la famille à laquelle vous appartenez, vous oublier au point de