Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/337

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quoi faut-il qu’il ait existé et qu’il existe des hommes à qui il convient ? Est-il en effet quelque monstruosité dont la faiblesse humaine ne soit capable, lorsqu’elle n’est pas soutenue par le secours divin ?

Vers l’époque où George devait revenir d’Amérique, Francis reçut une lettre d’un de ses oncles maternels qui l’invitait à venir passer quelque temps dans son château ; le duc de Derwent parut désirer qu’il acceptât, et Francis partit aussitôt pour la terre de son oncle.

Il y trouva une compagnie nombreuse, et composée en grande partie de dames. Pour celles qui n’étaient pas mariées, l’arrivée du noble héritier de la famille de Derwent était un événement d’une haute importance. Mais quand elles eurent vu son air triste et maussade, son maintien gauche et embarrassé, elles laissèrent ce singulier personnage bouder seul dans un coin, et au bout de deux jours les plus intrépides même retournèrent à leurs premiers adorateurs, à l’exception pourtant de l’une d’entre elles ; et certes ce n’était ni la moins jolie, ni la moins favorisée sous les rapports de la naissance et de la fortune.

Marianne Lumley était la fille unique du feu duc d’Annerdale, qui était mort sans laisser d’héritier de son nom. Mais le comté de Pendennyss, et les nombreuses baronnies qui en dépendaient étaient des fiefs qui étaient passés avec ses autres domaines à sa fille, comme unique héritière de la famille. Jouissant, des prérogatives de la pairie, d’un revenu qu’avec la profusion la plus grande il eût été impossible de dépenser, la jolie comtesse de Pendennyss ne devait pas manquer d’adorateurs, et il y avait à peine à Londres un jeune seigneur qui ne se fût mis sur les rangs pour obtenir sa main.

Enivrée par l’encens de la flatterie, elle était devenue fière, hautaine et dédaigneuse ; mais elle était jolie, et personne ne connaissait mieux l’art de plaire, ne savait employer plus à propos ces moyens de séduction que les femmes possèdent si bien, lorsqu’un caprice ou son intérêt la portait à s’en servir.

L’oncle de Francis était son tuteur, et, d’après ses conseils, elle avait rejeté jusqu’alors tous les partis qui s’étaient présentés. Elle aspirait à la couronne ducale ; et malheureusement pour Francis Denbigh, il se trouvait alors le seul d’un âge convenable dans tout le royaume qui pût l’élever au rang qu’elle ambitionnait. C’é-