Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/340

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Ses rivaux furent charmés de voir se terminer ainsi le débat ; il leur semblait trop peu dangereux pour leur inspirer quelque crainte ; et les compagnes de Marianne eurent peine à ne pas rire aux éclats du choix singulier qu’elle avait fait.

Il y avait quelque chose de si séduisant dans les manières de lady Pendennyss ; elle écoutait avec tant d’attention le peu de mots qu’il lui adressait ; elle semblait si empressée d’avoir son opinion sur tous les points, que le pauvre Francis était plongé dans une sorte d’extase ; et le doux poison de la flatterie, qu’il savourait pour la première fois, se glissait insensiblement dans son cœur, et y produisait son effet ordinaire.

La glace une fois rompue, Marianne continua à lui montrer des égards, des prévenances ; Francis était enchanté. Il fallait si peu de chose pour faire impression sur une âme qui ne s’était jamais ouverte au sentiment du plaisir ! Marianne avait fait la conquête du jeune homme, presque aussitôt qu’elle avait songé à l’entreprendre.

Francis sentit commencer une nouvelle existence, et son esprit se développait de jour en jour presque à son insu. Il acquit de la confiance ; le cercle si étroit de ses jouissances s’agrandissait, et il lui semblait qu’il n’était plus étranger au milieu du monde depuis que Marianne daignait faire attention à lui.

Quelques incidents de peu d’importance, que la comtesse sut ménager avec beaucoup d’adresse, l’amenèrent à la conclusion hardie qu’il ne lui était pas indifférent ; et Francis répondit aux avances de Marianne avec une ardeur qui allait presque jusqu’à l’adoration. Les semaines s’écoulèrent, et il ne songeait pas à partir. Il lui était impossible de se séparer de celle qui lui avait fait aimer la vie, et il tremblait cependant de risquer un aveu qui pouvait détruire en un moment ses rêves de bonheur, et l’exposer au ridicule.

La comtesse devenait de jour en jour plus affable ; et elle avait su lui donner indirectement des espérances si positives, que Francis se croyait sûr du succès, lorsque George, de retour d’Amérique, après avoir été rendre ses devoirs à son père et sceller avec lui sa réconciliation, accourut pour presser contre son cœur un frère qu’il aimait tendrement.

Francis fut ravi de voir George, et George fut aussi charmé que surpris de l’heureux changement qui s’était opéré en lui.