Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/354

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ami, lui avait fait la description la plus animée de la beauté, des grâces d’Émilie, et surtout de son charmant caractère.

Un portrait aussi séduisant avait excité la curiosité du comte ; il s’attendait à le trouver un peu flatté, comme c’est l’ordinaire ; quelle fut sa surprise de voir que le peintre était encore resté au-dessous de la réalité ! Il ne lui suffit pas d’avoir vu une fois Émilie, il voulut avoir le temps de la juger, et il pria le docteur de l’aider à garder l’incognito.

Le docteur lui fit quelques remontrances : c’était un artifice qui répugnait à son caractère et plus encore à ses principes, et le comte se rendit d’abord ; mais la beauté d’Émilie, plus attrayante encore lorsqu’il la vit entourée du cortège de ses vertus, avait fait sur Pendennyss une impression profonde, et il revint bientôt à la charge.

Plus il sentait que l’amour faisait des progrès dans son cœur, plus son ancienne défiance se réveillait en même temps, et le souvenir de sa mère, qu’il se représentait à l’âge d’Émilie, parée des mêmes attraits, venait lui recommander de profiter de son exemple et de se tenir sur ses gardes. Il fit au docteur l’aveu du nouveau motif qui l’engageait à cacher son rang, sans pourtant lui en faire connaître la douloureuse origine. Le bon ministre, au fait de tous les secrets de la famille, fut aisément au fond de son cœur ; il eut pitié de lui, et il finit par lui promettre de garder le silence.

— Mais, ajouta-t-il, n’en exigez pas davantage ; c’est déjà bien assez mal à moi de m’exposer à passer pour votre complice ; n’espérez pas que je favorise ouvertement votre duplicité ; un silence absolu, voilà tout ce que je puis vous promettre. Je n’ai pas fort bonne idée de vos projets. Si Mrs Wilson et Émilie venaient à découvrir la fourberie, je crains que vous ne perdiez beaucoup dans leur esprit. Prenez-y garde, George. Après tout, ajouta le bon docteur en souriant, votre intention n’est sans doute pas d’épouser la jeune personne incognito et toujours sous le nom de M. Denbigh.

— Oh ! non, répondit le jeune comte sur le même ton ; il est encore trop tôt pour songer au mariage… Tout ce que je désire, c’est de voir un peu quel accueil on me fera dans le monde, lorsque je n’y paraîtrai que sous le simple nom de M. Denbigh, sans rang et sans fortune.