Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/369

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— Je n’ai aucune maison dans ce pays, ma bonne mère, répondit-il. Lorsque pour la première fois je conçus l’espoir d’obtenir ma chère Émilie, j’écrivis à mon homme d’affaires d’aller à Bath, où résidait alors sir William Harris, et de tâcher de l’engager à me vendre le Doyenné. Lors de ma mésaventure, ajouta-t-il en souriant, j’oubliai de révoquer mes ordres, et la nouvelle que je reçus quelque temps après que le Doyenné m’appartenait ne fit que me rappeler de cruels souvenirs. Mais j’ai maintenant disposé de cette maison d’après mes premières vues ; elle appartient à la comtesse de Pendennyss, et je ne doute pas que le désir de se rapprocher de vous ne lui fasse préférer le Doyenné à tous les autres séjours.

La certitude de n’être point séparés d’Émilie causa la joie la plus vive à tous ses amis, et Jane sentit son cœur pénétré d’un bonheur auquel elle était depuis longtemps étrangère.

S’il existe ici-bas une félicité qui puisse nous donner une idée de celle qui est le partage des bienheureux dans le ciel, c’est celle dont jouissent deux époux unis par les liens de l’amour, de la confiance et de l’amitié : l’innocence et la piété resserrent tous les jours leurs nœuds ; plaisirs et peines, tout leur est commun ; leurs plaisirs sont plus vifs puisqu’ils les partagent avec l’objet aimé ; la peine est plus légère supportée par deux cœurs fidèles et bien unis. Ce bonheur innocent et pur était le partage des nouveaux époux.

Mais le bonheur parfait ne nous est jamais donné dans ce monde, et quelques chagrins viennent bientôt rappeler au chrétien qu’il est appelé à une meilleure vie. Le courage d’Émilie devait être mis à une rude épreuve par le retour inattendu de Buonaparte, événement qui bouleversa l’Europe jusqu’à ses extrémités les plus reculées.

Dès que Pendennys apprit cette fatale nouvelle, il ne douta pas qu’il ne fût appelé à prendre une part active dans la guerre qui allait commencer ; son régiment était la gloire de l’armée.

Émilie cherchait à rassembler ses forces pour supporter le coup qui allait la frapper, et quelques jours après le comte reçut l’ordre de se disposer à l’embarquement.

Le son des trompettes vint troubler le calme d’une belle matinée, dans le petit village où était située la maison de campagne occupée momentanément par sir Edward. Sur le péristyle, la