Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/376

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battants. Comme un éclair, ou plutôt comme la foudre qu’il précède, le colonel, à la tête de ses braves, tomba sur les Français qui déjà se croyaient vainqueurs.

— De grâce, épargnez ma vie, s’écriait un officier grièvement blessé en cherchant à éviter le sabre menaçant d’un Français furieux. Le colonel de dragons vit le danger qu’il courait, et d’un seul coup abattit le bras du cuirassier.

— Dieu soit loué ! murmura l’officier qui venait de tomber sous les pieds de son cheval.

Son libérateur se précipita du sien pour le secourir, et en le relevant pour examiner ses blessures, il reconnut Egerton. Lorsque le baronnet rouvrit les yeux, il poussa un long gémissement en voyant que celui qui l’avait sauvé était le comte de Pendennyss. Mais ce n’était pas le moment d’une explication.

Sir Henry fut transporté à l’arrière-garde, et le comte remonta à cheval. Les troupes éparses se rallièrent au son de la trompette ; et, guidées par leur intrépide colonel, elles se précipitèrent au fort de la mêlée et se couvrirent de gloire.

L’intervalle qui sépara la bataille des Quatre-Bras de celle de Waterloo fut un moment d’épreuve pour la discipline et pour le courage de l’armée anglaise. Les Prussiens, attaqués sur les flancs avec une ardeur incroyable, avaient été forcés de plier ; leur déroute était complète, et en face se trouvait un ennemi brave, adroit et victorieux, conduit par le grand capitaine du siècle. Le général anglais se replia prudemment sur la plaine de Waterloo, ce grand théâtre où allait se décider la lutte terrible qui depuis un quart de siècle avait ébranlé presque tout le globe civilisé.

C’était sur ces hauteurs, qui allaient être le tombeau de milliers de braves, que le combat le plus sanglant, le plus opiniâtre, en même temps le plus décisif, devait s’engager.

Pendant cette pause solennelle, Pendennyss, libre un moment de se livrer à ses réflexions, se transporta en idée auprès de son Émilie ; il revit cette figure angélique, rayonnante de grâces et d’innocence, ce sourire enchanteur où se peignait l’affection la plus vive, et à cette vue son sang se glaça. Quel serait le sort de cette épouse infortunée s’il venait à succomber ? Pour chasser des idées aussi pénibles, et qui affaiblissaient son courage, il tourna ses pensées vers ces sentiments religieux qui seuls pouvaient lui offrir les consolations dont son âme ulcérée avait besoin. Dans