Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/119

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la perplexité, et ses traits semblaient exprimer qu’il variait dans ses opinions. Les sons du sifflet se firent entendre de nouveau.

— Eh ! eh ! maître Tom, murmura le contrebandier, je t’entends ; mais pourquoi cette précipitation ? Belle Alida, cet appel veut dire que le moment des adieux est arrivé.

— Nous nous sommes rencontrés avec moins de cérémonie, répondit Alida, qui, surveillée par l’œil jaloux de son admirateur, conservait toute la réserve de son sexe.

— Nous nous sommes rencontrés sans avertissement, mais nous séparons-nous sans qu’il reste un souvenir de cette entrevue ? Dois-je m’en retourner au brigantin avec toutes ces marchandises, ou obtiendrai-je en échange le tribut doré ?

— Je ne sais si j’oserai faire un commerce qui n’est pas sanctionné par les lois, en présence d’un officier de la reine, dit Alida en souriant. Je ne nierai pas que vous n’ayez beaucoup de choses qui peuvent exciter l’envie d’une femme ; mais notre royale maîtresse pourrait oublier son sexe et montrer peu de pitié si elle entendait parler de ma faiblesse.

— Ne craignez rien de cette dame. Ce sont ceux qui se montrent les plus sévères à faire exécuter ces lois ridicules, qui les violent le plus facilement. Par les vertus de l’honnête Leadenhall lui-même, je parierais que si j’étais dans le cabinet de la reine Anne, je parviendrais à tenter la royale dame avec mes belles dentelles et mes lourds brocards !

— Ce serait plus téméraire que prudent.

— Je ne sais. Quoique assise sur un trône, elle n’est qu’une femme. Déguisez la nature comme vous le voudrez, elle sera toujours un tyran. La tête qui porte une couronne rêve des conquêtes de son sexe plutôt que des conquêtes de l’État. La main qui tient le sceptre est faite pour montrer son habileté à conduire le pinceau ou l’aiguille, et quoique des mots et des idées puissent être appris et répétés avec la pompe de la royauté, la voix n’en est pas moins celle d’une femme.

— Sans vouloir mettre en question les mérites de notre royale maîtresse, dit Alida qui était toujours prompte à défendre les droits de son sexe, nous pouvons réfuter cette accusation en citant l’exemple de la glorieuse Élisabeth.

— Nous avons en aussi nos Cléopâtres dans les combats de mer, et la crainte qu’elles inspiraient était plus forte que l’amour. La