Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/124

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Dans le cas où la reine s’offenserait de notre commerce, maître Seadrift, procurez-moi une ou deux saisons aussi favorables que la dernière, et je serai votre passager pour Londres ; j’achèterai un siège au parlement, et je répondrai au mécontentement royal de ma place, comme ils disent, par la responsabilité des états généraux ! Dans de telles circonstances je redeviendrai sir Myndet les Manhattaneses pourraient bien entendre parler d’une lady van Beverout. Alors, ma jolie Alida, ton héritage serait bien diminué !… Allons, va te coucher, mon enfant, et rêve de dentelles, de velours, des devoirs d’une nièce envers un vieil oncle, de discrétion en général, et de toutes sortes d’agréables choses. Embrasse-moi, petite fille, et va te mettre au lit.

Alida obéit, et elle se préparait à quitter l’appartement, lorsque le contrebandier s’avança près d’elle avec un air si galant et si respectueux, qu’elle n’aurait guère pu s’offenser de sa hardiesse.

— Je manquerais de reconnaissance, dit-il, si je quittais une pratique aussi généreuse sans la remercier de sa libéralité. L’espérance de la rencontrer encore hâtera mon retour.

— Je ne sais pas à quel titre vous me devez ces remerciements, répondit Alida, quoiqu’elle s’aperçut que son oncle mettait avec soin plusieurs articles de côté, et qu’il avait déjà placé quelques-unes des plus séduisantes marchandises sur sa table de toilette ; on ne peut dire que nous ayons fait quelques affaires ensemble.

— Je me suis séparé de choses qui ne sont point visibles aux yeux humains, répondit l’étranger en baissant la voix et parlant avec une vivacité qui fit tressaillir Alida. Obtiendrai-je un retour pour ce don, ou bien dois-je le regarder comme perdu, c’est ce que le temps et mon étoile décideront.

Alors il prit la main de la jeune fille, la souleva jusqu’à ses lèvres, et mit tant de grâce et de douceur dans cette action, qu’Alida ne parut s’en offenser que lorsqu’il n’était plus temps de la défendre. Elle rougit, sembla disposée à se fâcher, puis sourit, et enfin, saluant avec confusion, elle se retira.

Plusieurs minutes se passèrent dans le plus grand silence lorsque Alida eut disparu. L’étranger était pensif, quoique ses regards animés brillassent comme si des pensées joyeuses eussent traversé son esprit. Il marchait à grands pas dans l’appartement,