Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/134

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Les couteaux et les fourchettes s’échappèrent des mains de Myndert et de son compagnon comme s’ils eussent été frappés d’une paralysie simultanée. Le dernier se leva involontairement tandis que le premier fixa sa corpulente personne plus solidement sur son siège, comme quelqu’un qui se prépare à soutenir un rude choc avec tout le courage physique qu’il peut rassembler.

— Que dis-tu de ma nièce ?… Que dis-tu de mes chevaux ?… Tu as appelé Dinah ?

— Sans doute, Monsieur !

— Tu as conservé les clés de l’écurie ?

— Moi toujours les tenir !

— Et vous lui avez dit d’avertir sa maîtresse…

— Elle ne m’a fait aucune réponse !

— Tu leur as donné à boire et à manger comme je te l’avais ordonné ?

— Lui n’avoir pas voulu manger du tout.

— Êtes-vous entré dans la chambre de ma nièce pour l’éveiller ?

— Oui, Monsieur.

— Que diable est-il arrivé à la pauvre bête ?

— Lui perdre l’appétit, et moi croire que c’est depuis longtemps, car lui point être revenu.

— Monsieur François, je désire savoir la réponse de la fille de M. de Barberie.

— Mademoiselle ne m’a pas répondu une syllabe.

— Abreuvoirs et flammes ! il aurait fallu lui donner à boire et le saigner.

— Être trop tard pour ça, Masser.

— Cette fille obstinée ! cela vient de son sang huguenot ; c’est une race qui quitterait maison, patrie, plutôt que d’abandonner sa croyance.

— La famille de Barberie, Monsieur, est remplie d’honneur, mais le grand monarque fut un peu trop exigeant. Les dragonnades réussissaient mal à faire des catholiques.

— Apoplexies et furies ! vous auriez dû, chien de noir, envoyer chercher le maréchal pour soigner cette pauvre bête !

— Moi, aller chercher le boucher, Masser, pour sauver la peau, car lui mourir trop tôt pour être saigné.

Le mot de mort produisit un silence subit. Le dialogue précé-