Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/229

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Le vent viendra de là. Que nous en ayons un peu, et nous essaierons d’atteindre cette orgueilleuse Sorcière des Eaux ! Ne vois-je pas une voile sous notre vent, ou n’est-ce que l’écume des vagues ?

— La mer devient irrégulière, et j’y ai été trompé dix fois depuis la naissance du jour.

— Mettez plus de voiles au vaisseau ; le vent va venir de la terre. Il faut que nous soyons prêts pour en profiter. Montrons toutes nos voiles.

Le lieutenant reçut ces ordres avec sa déférence ordinaire, et les communiqua à ses subordonnés avec la promptitude qui distingue la discipline des marins. La Coquette fut bientôt couverte de ses trois voiles de hune, une desquelles était jetée contre le mât de manière à retenir le vaisseau aussi immobile que le roulis des vagues pouvait le permettre. Aussitôt que l’officier de quart eut appelé les matelots au travail, les vergues massives s’élancèrent, plusieurs voiles légères, qui servaient à balancer le bâtiment aussi bien qu’à augmenter la rapidité de sa course, furent hissées et déployées, et aussitôt le vaisseau commença à fendre les flots. Tandis que les matelots de quart étaient ainsi occupés, le battement des voiles annonçait une nouvelle brise.

Les côtes de l’Amérique du nord sont sujettes à des transitions soudaines et dangereuses dans les courants d’air. Il est arrivé plus d’une fois qu’un vent change assez subitement pour mettre en danger la sûreté du vaisseau, ou du moins pour l’enfoncer dans l’eau. On a souvent dit que le bâtiment fameux appelé la Ville de Paris fut perdu par un de ces changements violents, le capitaine ayant eu l’inadvertance de laisser trop de voiles d’arrière, erreur qui le mit dans l’impossibilité de diriger le vaisseau pendant le moment de danger qui succéda. Quelle que soit la vérité sur ce malheureux bâtiment, il est certain que Ludlow connaissait parfaitement les hasards qui accompagnaient souvent les premières bouffées d’un vent du nord sur les côtes de son pays natal, et qu’il n’oubliait jamais d’être préparé au danger.

Lorsque le vent de la terre frappa la Coquette, la lueur qui annonçait le lever du soleil était visible depuis quelques minutes ; les vapeurs légères qui avaient voilé les cieux, lorsque la brise soufflait au sud-est, se condensèrent en masses de nuages, et semblables à un immense rideau qui se lève, elles laissèrent apercevoir de tous côtés l’eau et les cieux. Il est à peine nécessaire de