Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/238

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phare de Messine, que mon œil n’ait vu. Il n’y a besoin ni de vigies ni d’amers[1] sur cette côte. Ici nous sommes près des rivages de l’Amérique, qui est à huit ou dix lieues au nord et à quarante en arrière, et cependant, si ce n’était notre point de départ, la couleur de l’eau et la sonde, on pourrait se croire au milieu de l’Atlantique. Beaucoup de bons vaisseaux tombent sur l’Amérique avant de savoir où ils arrivent. Tandis que dans ces mers, vous pouvez courir pour une montagne, avec ses flancs en pleine vue pendant vingt-quatre heures, avant de voir la ville qui est à ses pieds.

— La nature a compensé cette différence en défendant l’approche de cette côte, par le golfe Stream, avec ses herbes flottantes et ses diverses températures, tandis que le plomb peut trouver son chemin par la nuit la plus sombre, car les toits des maisons ne sont pas mieux gradués que l’élévation de cette côte, depuis le point qui a cent brasses de profondeur, jusqu’aux sables du rivage.

— J’ai dit beaucoup de bons vaisseaux, capitaine, et non pas beaucoup de bons navigateurs. Non… non… les bons marins connaissent la différence entre l’eau verte et l’eau bleue, aussi bien qu’entre une ligne de petite sonde et le plomb d’une grande sonde ; mais je me rappelle que j’ai manqué une fois une observation quand nous courions sur Gênes devant un mistral. Suivant toute apparence, nous devions faire notre attérage cette nuit même, et nous n’en avions que plus grand besoin de connaître la position du vaisseau. J’ai souvent pensé, Monsieur, que l’Océan ressemblait à la vie humaine, obscure pour tout ce qui est en avant, et pas des plus claires relativement à ce qui est passé. Bien des gens courent la tête la première à leur destruction, et bien des vaisseaux s’élancent à pleines voiles sur des récifs. Demain est un brouillard qu’aucun de nous ne peut percer, et même le présent ne vient pas beaucoup mieux qu’un temps nébuleux, dans lequel nous pouvons voir sans prendre beaucoup d’observations. Eh bien ! comme je disais, notre route était là, et le vent aussi près que possible, soufflant à peu près comme à présent, car le mistral de France à une ressemblance de famille avec le vent du nord de l’Amérique. Nous avions les voiles du grand perroquet tendues

  1. Look-outs et Land-marks.