Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tage, que le vent tomba tout à coup. La rafale venait de produire ses derniers efforts, et une heure après que les deux vaisseaux eurent déployé leurs voiles, la toile frappait contre les mâts de manière à porter en sens contraire, une force aussi grande que celle qu’elle recevait. La mer tombait rapidement, et avant la fin du dernier quart, l’Océan n’était agité que par ces longs gonflements qui le laissent rarement dans un parfait repos. Pendant quelque temps de légers courants d’air jouèrent autour du vaisseau, mais toujours avec assez de force pour le pousser doucement à travers les vagues, puis l’équilibre de l’élément sembla se rétablir et il y eut un calme total. Pendant la demi-heure que dura le vent capricieux, le brigantin avait gagné sur le croiseur, mais non pas assez pour le mettre hors de la portée de ses canons.

— Déchargez les basses voiles, dit Ludlow lorsqu’il y eut senti le dernier souffle du vent, et quittant le canon près duquel il était resté, il ajouta : Mettez les chaloupes à la mer, monsieur Luff, et armez leurs équipages.

Le jeune commandant donna cet ordre, qui expliquait assez ses projets, d’une voix calme mais triste. L’expression de son visage était pensive, et il avait l’air d’un homme qui cède à un devoir impérieux et désagréable. Lorsqu’il eut parlé, il fit signe à l’alderman et au patron de le suivre, et entra dans sa cabine.

— Il n’y a pas d’autre alternative, dit Ludlow en posant sur une table la lunette dont il s’était servi si souvent dans la matinée, et en se jetant sur une chaise ; le corsaire doit être pris à tout hasard, et voilà une occasion favorable de le prendre par l’abordage. Vingt minutes nous amèneront près de lui, et cinq de plus le mettront dans notre possession ; mais…

— Vous pensez que l’Écumeur n’est point homme à recevoir une pareille visite en vous souhaitant la bienvenue, comme une vieille femme ? observa Myndert avec énergie.

— Je me tromperais sur le caractère de cet homme s’il rendait paisiblement un aussi beau bâtiment. Mais le devoir commande à un marin, alderman van Beverout, et quoique j’en redoute les conséquences, il faut obéir.

— Je vous comprends, Monsieur ; le capitaine Ludlow a deux maîtresses, la reine Anne et la fille du vieux Étienne de Barberie. Il les craint toutes les deux : lorsque les dettes surpassent les moyens de paiement, il semblerait prudent d’offrir de s’arranger,