Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/267

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terrain le plus éloigné, on apercevait une foule d’objets, tels que le hasard ou le calcul les rassemble rarement sous le même point de vue. Imaginez que vous êtes près de moi, Madame, et suivez vers le nord la côte dentelée, tandis que je vais tracer l’esquisse de cette scène. Cette haute montagne et cette île dont les bords sont déchirés par les vagues, à l’extrémité, vers la gauche, c’est la moderne Ischia. Son origine est inconnue, quoique des monceaux de laves étendues sur ses côtes semblent aussi frais que s’ils s’étaient élancés hier du sein de la montagne. Ce morceau de terrain bas de forme oblongue est Procida, ce rejeton de l’ancienne Grèce. Ses habitants conservent encore dans leur costume et dans leur langage des traces de leur origine. Ce détroit vous conduit à une hauteur nue et rocailleuse, c’est là la Misène des anciens. Énée y aborda, Rome y déployait ses flottes, et c’est là où Pline s’embarqua pour voir de plus près l’éruption du Vésuve, qui s’éveillait après un sommeil de quelques siècles. Dans le ravin formé entre deux hauteurs de la montagne, est le Styx fameux, les Champs-Élysées et le lieu du sommeil éternel, ainsi que l’a dit le poète de Mantoue. Plus sur la hauteur et plus près de la mer, les vastes voûtes de la Piscine admirable (Piscina mirabile) sont enterrées ainsi que les sombres cavernes des Cent Chambres, lieux qui prouvent en même temps le luxe et le despotisme de Rome. Plus près de ce vaste château, qui est visible de si loin, est le gracieux golfe de Baïa, et sur le flanc de ses montagnes ombragées, on voyait autrefois une cité de villas. Sur ces montagnes, les empereurs, les consuls, les poètes et les guerriers abandonnaient la capitale pour se livrer au repos et pour respirer l’air pur d’un lieu où la peste a fixé depuis son séjour. Le sol est encore couvert des restes de leur magnificence, et les ruines des temples et des bains se mêlent aux oliviers et aux figuiers du paysan. Une élévation peu rapide borne vers le nord l’horizon de la petite baie. Sur son sommet, jadis on voyait la demeure des empereurs. C’est là que César chercha le repos, et les sources d’eau chaude qui s’élancent de ses flancs sont encore appelées les bains du farouche Néron. Cette petite montagne conique, plus fraîche et plus verte que les terres adjacentes, est un cône qui fut vomi par la fournaise qu’on voit au-dessous, il y a plus de deux siècles. Elle occupe en partie la place de l’ancien lac Lucrine. Tout ce qui reste de ce fameux réceptacle des épicuriens de Rome, est une étroite nappe d’eau à sa base, qui n’est séparée de la mer