Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/282

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les opinions d’un homme qu’elle avait l’habitude de traiter assez cavalièrement en matière d’intérêts pécuniaires. Pendant tout le temps que dura la harangue, le jeune maître du brigantin avait eu la même attitude d’attention modeste ; et lorsqu’il se permettait de lever les yeux, c’était seulement pour jeter un regard embarrassé sur Alida. La belle Barberie avait aussi écouté l’éloquence de son oncle avec plus d’attention qu’à l’ordinaire. Ses yeux rencontrèrent ceux du contrebandier avec une expression de sympathie, et l’observateur le plus indifférent eût pu s’apercevoir que les circonstances avaient créé entre eux une confiance et une intelligence qui, si elles n’étaient pas celles d’une amoureuse tendresse, étaient du moins du caractère le plus intime. Ludlow le vit clairement, quoique le bourgeois eût été trop occupé des idées qu’il énonçait avec tant de complaisance, pour faire attention à cet incident.

— Maintenant que mon esprit est tellement approvisionné de maximes de commerce que je regarderais comme autant de commentaires sur les instructions de milord de l’amirauté, observa le capitaine après quelques instants de silence, il nous sera peut-être permis de porter notre attention sur des objets moins métaphysiques. L’occasion est favorable pour s’informer du sort du compagnon que nous perdîmes pendant notre dernière croisière, et nous ne devons pas la négliger.

— Vous avez raison, monsieur Cornélius : le patron de Kinderhook n’est point un homme qui puisse tomber à la mer comme un tonneau de liqueurs prohibées sans qu’on ne fasse aucune question sur son compte. Laissez cette affaire à ma prudence, Monsieur, et soyez certain que les fermiers d’un des trois plus beaux domaines de la colonie ne seront pas longtemps sans avoir des nouvelles de leur propriétaire. Si vous voulez accompagner maître Seadrift dans une autre partie de la villa, pendant un temps raisonnable, je m’informerai de tous les faits qui sont nécessaires pour connaître cette affaire.

Le commandant du croiseur royal et le jeune contrebandier parurent penser que l’association qu’on leur proposait était pour le moins singulière. L’hésitation du dernier était beaucoup plus apparente, car Ludlow avait pris la ferme résolution de conserver un caractère neutre jusqu’à ce que le moment fût arrivé d’agir en fidèle serviteur de sa royale maîtresse. Il savait ou croyait fer-