Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/298

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Ludlow eut des motifs de s’apercevoir que l’incrédulité du gabier Robert était partagée par la plus grande partie de son équipage. Et comme il ne pouvait maîtriser l’intérêt qu’il prenait à Alida et à tout ce qui la concernait, tandis que d’un autre côté il n’existait aucune raison pour déclarer immédiatement la vérité, il favorisa la croyance générale par son silence. Donnant d’abord quelques ordres de la dernière importance pour le moment, il passa ensuite dans sa cabine pour avoir une entrevue avec son prisonnier.

— La chambre du conseil est vacante et à votre service, maître Seadrift, dit-il en montrant un petit appartement opposé à celui qu’il occupait lui-même. Il est probable que vous serez longtemps notre compagnon, à moins que vous ne vouliez abréger le temps en entrant dans une capitulation pour la Sorcière des Eaux ; dans ce cas…

— Vous me ferez une proposition.

Ludlow hésita, jeta un regard derrière lui afin de s’assurer qu’il était seul, et s’approcha de son prisonnier.

— Monsieur, dit-il, je vais vous parler avec la franchise d’un marin. La belle Alida m’est plus chère que ne me le fut jamais aucune femme ; plus chère, je le crains, qu’une femme ne me le sera jamais. Vous n’avez pas besoin d’apprendre que des événements ont eu lieu. — Aimez-vous cette dame ?

— Oui.

— Vous aime-t-elle ? Ne craignez pas de confier ce secret à un homme qui n’en abusera jamais. — Vous paie-t-elle de retour ?

Le marin du brigantin recula avec dignité ; puis recouvrant aussitôt son aisance, comme s’il craignait de s’oublier, il dit avec chaleur :

— Cette plaisanterie sur la faiblesse des femmes est le péché le plus commun des hommes. Personne ne doit parler des inclinations d’une femme qu’elle-même, capitaine Ludlow. Il ne sera jamais dit qu’un homme ait plus de déférence pour la position dépendante de leur sexe, leur amour fidèle et confiant, leur dévouement dans les épreuves de la vie, la sincérité de leur cœur, que je n’en ai moi-même.

— Ces sentiments vous font honneur, et je ne pourrais trop souhaiter pour vous, autant que pour les autres, qu’il y eût moins