Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/300

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tâchant de lire dans les yeux de son interlocuteur. Vous n’avez pas — vous ne pouvez pas avoir réussi !

— Le succès sera prouvé par le résultat.

— La dame du brigantin n’oublia pas son devoir ; vous vîtes briller ses yeux, son visage sombre et expressif ! La lumière éclaira sa mystérieuse figure. Mes paroles sont vraies, Ludlow, car tu gardes le silence ; mais ton visage loyal avoue la vérité.

À ces mots le gai contrebandier se détourna, et se mit à rire de tout son cœur.

— Je savais que ce serait ainsi, ajouta-t-il. Que signifie pour elle l’absence d’un humble serviteur ? Sois persuadé que tu la trouveras aussi habile que jamais, et peu disposée à entrer en conversation avec un croiseur qui parle si rudement à travers son canon. — Ah ! voilà une visite.

Un officier annonça l’approche d’un bateau. Ludlow et son prisonnier tressaillirent à cette nouvelle, et l’on peut croire facilement que tous les deux pensèrent que c’était un message de la Sorcière des Eaux. Le commandant se hâta de monter sur le pont, et le contrebandier, malgré l’impassibilité qu’il mettait si souvent en pratique, ne put maîtriser entièrement le malaise qu’il éprouvait. Il passa dans la chambre du conseil, et il est plus que probable qu’il profita d’une fenêtre pour reconnaître ceux qui arrivaient.

Mais après la demande et la réponse d’usage, Ludlow ne pensa plus qu’on venait lui faire quelques propositions du brigantin ; évidemment la réponse n’avait point été faite par un marin, et elle manquait de cette pureté de termes que les gens de la profession emploient dans toutes les occasions, et par le moyen desquels ils devinent ceux auxquels ils ont affaire, avec une promptitude qui ressemble à l’instinct. Lorsqu’au cri que fit entendre la sentinelle du passe-avant, une personne du bateau, à demi effrayée, répondit par ces mots : « Qu’est-ce que vous voulez ? » l’équipage de la Coquette reçut cette réponse avec le même sourire de mépris qu’on voit sur les lèvres du novice qui a pris deux degrés dans quelque branche de science, lorsqu’il découvre une sottise de celui qui n’en a pris qu’un.

Un profond silence régna, lorsqu’une petite société, composée de deux hommes et d’autant de femmes, monta à bord du vaisseau, laissant derrière elle plusieurs personnes qui tenaient les