Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/316

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capitaine Ludlow : votre prisonnier est-il seul, en proie à la tristesse, ou a-t-il la consolation de savoir que d’autres s’intéressent à son malheur ?

— Il ne manque pas de consolations, maître Tiller, puisqu’il est plaint par la plus belle femme d’Amérique.

— Ah ! la belle Barberie avoue-t-elle l’estime qu’elle a pour lui ?… La conjecture est-elle vraie ?

— Malheureusement vous n’approchez que trop de la vérité. Cette jeune fille exaltée ne semble vivre qu’en sa présence. Elle méprise assez l’opinion des autres pour l’avoir suivi jusque sur mon vaisseau.

Tiller écoutait attentivement, et depuis cet instant toute inquiétude disparut de son visage.

— Celui qui est ainsi favorisé, peut pendant un moment oublier jusqu’au brigantin ! s’écria-t-il avec son air délibéré… Et l’alderman ?…

— Il est plus prudent que sa nièce, puisqu’il ne lui a pas permis de venir seule.

— C’est assez, capitaine Ludlow ; n’importe ce qui suivra, nous nous quittons amis. Ne craignez pas, Monsieur, de toucher de nouveau dans la main d’un proscrit, il est honnête à sa manière, et il y a bien des pairs et bien des princes dont la main n’est pas aussi pure. Témoignez de l’affection à ce jeune matelot téméraire et gai. Il n’a pas encore la prudence d’une tête plus vieille, mais son cœur est la bonté même. Je hasarderais ma vie pour protéger la sienne. Mais, malgré tout, le brigantin doit être sauvé. Adieu.

Il y avait de l’émotion dans la voix du marin, malgré le sang-froid qu’il affectait. Après avoir serré la main de Ludlow, il retourna dans sa propre barque avec l’aisance et le calme d’un homme dont l’Océan est la demeure.

— Adieu ! répéta-t-il en faisant signe à ses gens de ramer dans la direction des bas-fonds, où il savait que le vaisseau ne pourrait le suivre. Nous pouvons nous retrouver encore ; jusque-là, adieu.

— Nous sommes sûrs de nous rencontrer à la lueur du jour.

— Ne le croyez pas, brave gentilhomme. Notre dame cachera les espars sous sa ceinture, et nous passerons inaperçus. Que la bénédiction d’un marin vous accompagne. De bons vents et en