Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/370

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CHAPITRE XXXI.


Maintenant — l’affaire !
Shakspeare. Othello.


Trois heures plus tard, tout bruit avait cessé à bord du croiseur royal ; on ne réparait plus les dommages qui avaient été causés par le combat, et la plupart des vivants, semblables aux morts, gardaient un profond silence. On n’oubliait pas cependant la surveillance nécessaire à la situation des marins fatigués, et, quoique beaucoup de matelots fussent plongés dans le sommeil, quelques yeux étaient encore ouverts et veillaient au salut de tous. Çà et là, quelques marins à moitié endormis arpentaient le pont, où un officier solitaire essayait de se tenir éveillé en respirant l’air épais de son étroite prison. L’équipage dormait entre les canons, et chaque matelot avait des pistolets à sa ceinture et un coutelas à son côté. Il y avait un marin étendu sur le gaillard d’arrière, la tête appuyée sur une boîte à boulets. Sa respiration pesante indiquait le sommeil inquiet d’un homme d’un tempérament robuste, chez lequel la fatigue se réunissait aux souffrances. C’était le contre-maître blessé et tourmenté par la fièvre, qui s’était placé ainsi afin de goûter une heure de repos si nécessaire dans sa situation. Sur une boîte dont on avait vidé le contenu, on voyait un autre être humain sans mouvement, le visage tourné vers le ciel chargé d’étoiles. C’était le corps du jeune Dumont, que Ludlow voulait faire déposer dans une terre consacrée lorsque le vaisseau aurait atteint le port. Ludlow, avec la délicatesse d’un ennemi généreux et chevaleresque, avait étendu de ses propres mains sur le jeune Français sans expérience, mais rempli de bravoure, le drapeau sans tache de son pays.

Il y avait sur le pont élevé de la poupe du vaisseau, un petit groupe sur lequel les intérêts ordinaires de la vie semblaient encore exercer leur influence. Ludlow avait conduit dans ce lieu Alida et ses compagnons, lorsque les devoirs nombreux de la journée eurent été remplis, afin qu’ils pussent respirer un air plus frais que dans l’intérieur du vaisseau. La négresse sommeillait auprès de sa jeune maîtresse, l’alderman fatigué était assis, le dos appuyé