Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/371

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contre le mât de misaine, donnant des signes évidents de sa situation, et Ludlow était debout, jetant de temps en temps les yeux sur les eaux tranquilles, et prêtant en même temps son attention à la conversation de ses compagnons.

Alida et Seadrift étaient assis sur des chaises l’un près de l’autre. Leur entretien avait lieu à voix basse, et la mélancolie ainsi que le tremblement de la voix de la belle Alida prouvaient combien les événements de la journée avaient ébranlé son esprit ordinairement si ferme.

— Il y a dans votre profession un mélange de terrible et de beau, de grand et de séduisant ! observa Alida, répondant à une remarque du jeune marin. Cette mer tranquille, le bruit des vagues qui meurent sur la côte, et ce ciel au-dessus de nos têtes, présentent des objets qu’une jeune fille elle-même pourrait contempler avec admiration, si son oreille n’était pas encore troublée par les clameurs du combat. Ne disiez-vous pas que le commandant du vaisseau français était un jeune homme ?

— Il avait l’apparence d’un enfant, et il ne devait sans doute son grade qu’aux avantages du sang et de la fortune. Nous avons reconnu qu’il était le capitaine de la frégate, autant à son costume qu’à l’effort désespéré qu’il fit pour réparer la fausse manœuvre qui eut lieu au commencement de l’action.

— Peut-être a-t-il une mère, Ludlow !… une sœur, une femme, ou…

Alida s’arrêta ; car, avec la modestie d’une jeune fille, elle hésitait à nommer le lien qui occupait la première place dans ses pensées.

— Il peut posséder tous ces objets d’affection ! Telle est la destinée des marins, et…

— Telle est la destinée de ceux qui prennent de l’intérêt à leur sûreté ! murmura Seadrift d’une voix basse, mais expressive.

Un profond mais éloquent silence succéda ; puis on entendit la voix de Myndert prononçant ces mots d’une manière indistincte : — Vingt de castor et trois de martre… pour envoi. Malgré les tristes pensées de Ludlow, un sourire se dessina un moment sur ses lèvres, lorsque la voix rude de Trysail, rendue plus rude encore par le sommeil, se fit entendre distinctement : — Portez la main aux garcettes ! s’écria-t-il ; le bâtiment français arrive de nouveau sur nous !