Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/379

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sorte d’arme en usage à cette époque, furent chargés et placés en situation de pouvoir enfiler le pont, tandis que la hune de misaine était amplement fournie d’armes et de munitions. Les mèches préparées, l’équipage fut de nouveau passé en revue par un appel particulier de chaque homme. Cinq minutes suffirent pour donner les ordres nécessaires, et voir si chaque poste était occupé. Lorsque ces dispositions furent terminées, tout bruit cessa sur le vaisseau, et le silence devint si général et si profond qu’on pouvait entendre distinctement les vagues se briser sur le sable des côtes. Ludlow était debout sur le gaillard d’avant, accompagné du maître. Là il examina le ciel et la mer avec la plus grande attention. Il ne faisait pas de vent, quoique accidentellement une bouffée d’air chaud vint de la terre, comme le premier effort de la brise de nuit. Les cieux étaient couverts de nuages, quoique quelques rares étoiles brillassent entre les masses de vapeur.

— Nous n’avons jamais eu de nuit semblable en Amérique ! dit le vétéran Trysail, secouant la tête d’un air de doute, et parlant à voix basse. Je suis un de ceux, capitaine Ludlow, qui pensent que la moitié de la vertu d’un vaisseau est perdue lorsque son ancre est jetée.

— Avec un faible équipage, il peut être plus avantageux pour nous que nos gens n’aient point de vergues à manœuvrer, ni de boulines à redresser. Tous nos soins peuvent être donnés à la défense.

— C’est comme si l’on disait qu’un épervier peut mieux combattre avec une aile rognée, parce qu’il n’a pas l’embarras de voler ! La nature d’un vaisseau est le mouvement, et le mérite d’un marin une manœuvre judicieuse et prompte ; mais à quoi sert-il de se plaindre, puisque cela ne lèvera ni une ancre, ni n’emplira une voile ! Quelle est votre opinion, capitaine Ludlow, sur l’autre vie et sur ces matières en général qu’on entend quelquefois, lorsque par hasard on prend le chemin de l’église ?

— Cette question est vaste comme l’Océan, mon brave ami, et une réponse convenable pourrait nous conduire à des matières plus abstraites qu’aucun problème de notre trigonométrie… N’est-ce pas là le bruit d’un aviron ?

— C’est un bruit des côtes. Ma foi ! je ne suis pas un très-grand navigateur parmi les détroits de la religion. Chaque nouvel argument est un banc de sable ou un récif qui m’oblige à virer de bord