Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/382

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cherchant plus à se cacher. L’Océan fut éclairé, et trois ou quatre bateaux rendirent la fatale décharge que leur avait envoyée le vaisseau. Ludlow n’avait pas parlé. Toujours seul à son poste aussi exposé qu’élevé, il surveillait les effets des deux feux avec le calme d’un commandant. Le sourire qui se voyait sur ses lèvres comprimées, lorsque la confusion momentanée parmi les bateaux trahit le succès de son attaque, avait quelque chose de sauvage et d’exalté ; mais lorsqu’il entendit le craquement des planches au-dessous de lui et le sourd gémissement qui lui succéda, la colère anima ses yeux.

— Faites-vous entendre ! cria-t-il d’une voix claire et animée qui assurait ses gens de sa vigilance. Montrez-leur ce que c’est que le sommeil d’un Anglais, mes amis. Parlez-leur de la hune et des ponts !

On obéit promptement à cet ordre. Les arquebuses qui restaient furent déchargées ainsi que toute la mousqueterie et les gros mousquetons. Au même instant une foule de bateaux s’élancèrent sous le beaupré du vaisseau, puis on entendit les cris des matelots qui montaient à l’abordage.

Les minutes qui succédèrent furent remplies par la confusion et les efforts des combattants. Deux fois l’avant du beaupré du vaisseau fut rempli de groupes sombres d’hommes dont les visages n’étaient visibles qu’à la lueur des coups de pistolets, et qui furent repoussés autant de fois par la pique et la baïonnette. Une troisième tentative eut plus de succès, et le pont du gaillard d’avant retentit des pas des assaillants. Le combat ne fut que momentané, quoique plusieurs tombassent dans l’étroite arène qui fut bientôt couverte de sang. Le marin de Boulogne était un des premiers parmi ses compatriotes, et, dans cette circonstance désespérée, Ludlow et Trysail combattaient comme de simples matelots. Le nombre l’emporta, et il fut heureux pour le commandant de la Coquette que la chute d’un corps humain qui tomba sur lui, le fit reculer involontairement jusqu’au pont qui était dessous.

Se relevant avec promptitude, le jeune capitaine appela ses gens de la voix, et on lui répondit par un de ces cris guerriers que l’enthousiasme fait jeter aux marins, même entre les bras de la mort.

— Ralliez-vous sur le passe-avant et défiez-les ! cria-t-il d’une voix animée… Ralliez-vous sur le passe-avant, cœurs de chêne,