Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/383

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répéta Trysail d’une voix prompte mais faible. L’équipage obéit, et Ludlow vit qu’il pouvait encore réunir une force capable de résistance.

Les deux partis s’arrêtèrent un moment. Le feu de la hune gênait les assaillants, et les Anglais hésitaient à avancer. Ils s’élancèrent enfin en même temps, et une terrible rencontre eut lieu au pied du mât d’avant. La foule augmentait sur les derrières des Français, et lorsqu’un d’entre eux tombait, un autre le remplaçait aussitôt. Les Anglais cédèrent, et Ludlow sortant avec peine de la mêlée, se retira sur le gaillard d’arrière.

— Lâchez pied ! mes amis, s’écria-t-il encore d’une voix calme mais assez forte pour être entendue au milieu des cris du combat. Dans les ailes, en bas. Entre les canons, en bas, à couvert !

Les Anglais disparurent comme par magie. Quelques-uns sautèrent sur les cordages, d’autres cherchèrent la protection des canons, et plusieurs se glissèrent sous les couvertures d’écoutilles. Dans ce moment Ludlow fit un effort désespéré. Aidé par le canonnier, il appliqua des mèches aux deux pierriers, qui avaient été disposés pour s’en servir en dernier ressort. Le pont fut enveloppé de fumée, et lorsque la vapeur s’éleva, l’avant du vaisseau était aussi solitaire que si jamais homme n’y eût marché ; tous ceux qui n’étaient pas tombés avaient disparu.

Un cri et un bruyant hourra ramena les Anglais, et Ludlow conduisit une charge sur le gaillard d’avant du grand perroquet. Quelques-uns des assaillants sortirent des endroits où ils étaient à couvert sur le pont, et l’action recommença. Des projectiles enflammés volaient au-dessus de la tête des combattants et tombaient parmi la foule par derrière. Ludlow vit le danger, et tâcha d’engager ses gens à reprendre les arquebuses dont une était encore chargée. Mais l’explosion d’une grenade sur les derrières fut suivie d’un choc qui menaça de défoncer le vaisseau. L’équipage alarmé et affaibli commençait à hésiter, et comme une nouvelle explosion de grenades fut suivie d’une attaque vigoureuse dans laquelle les assaillants présentèrent un corps de cinquante hommes qui s’élançaient de leurs bateaux, Ludlow se trouva obligé de suivre son équipage qui faisait retraite. La défense prit alors le caractère d’une résistance inutile, mais désespérée. Les clameurs des ennemis étaient de plus en plus bruyantes, et les assaillants réussirent à imposer silence au feu de la hune par une décharge continuelle