Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/390

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du danger, et savait que l’explosion de la Sainte-Barbe pouvait précipiter tout l’équipage dans les flots. Le pont d’avant devenait trop chaud pour qu’on pût y rester, et il y avait des endroits sur les baux qui commençaient à céder.

Mais la poupe toujours au-dessus de l’incendie offrait un refuge momentané. Chacun s’y retira, tandis que les blessés furent descendus avec précaution dans les bateaux du contrebandier.

Ludlow était debout près d’une échelle et l’Écumeur à une autre, afin de s’assurer que chacun remplissait bravement son devoir dans un aussi affreux moment. Près d’eux on voyait Alida, Seadrift, l’alderman et les domestiques.

Avant que le devoir que réclamait l’humanité fût accompli, un siècle sembla s’écouler. Enfin on entendit ce cri : Ils sont tous descendus ! et il fut proféré de manière à montrer combien d’empire sur soi-même il avait fallu pour s’en acquitter.

— Maintenant, Alida, nous pouvons penser à toi ! dit Ludlow en se tournant vers la jeune fille silencieuse.

— Et vous ? dit-elle en hésitant à avancer.

— Mon devoir exige que je descende le dernier…

Une bruyante explosion dans le fond du vaisseau, et des masses de flammes s’échappant à travers une écoutille, interrompirent Ludlow. Quelques matelots se plongèrent dans la mer, d’autres se précipitèrent dans les bateaux ; tout ordre et toute subordination disparurent devant l’amour de la vie. En vain Ludlow supplia ses gens d’être calmes et d’attendre ceux qui étaient encore sur le pont. Ses paroles se perdirent au milieu des cris et des clameurs. Il sembla néanmoins pendant un instant que l’Écumeur des mers parviendrait à calmer cette confusion. Se jetant sur l’échelle, il se glissa sur l’avant d’un des bateaux, et, l’arrêtant par des cordes à l’aide d’un bras vigoureux, il résista à l’effort de tous les avirons et des bâtons à crochets, jurant que celui qui oserait quitter le vaisseau le paierait de sa vie. Si les deux équipages n’eussent pas été mêlés, l’autorité et l’air déterminé du contrebandier l’eussent emporté ; mais tandis que quelques-uns étaient disposés à obéir, d’autres s’écrièrent : — Qu’on jette le sorcier à la mer ! Les crochets étaient déjà dirigés contre sa poitrine, et les horreurs de cette scène effrayante allaient s’augmenter des violences d’une révolte, quand une seconde explosion doubla la force des matelots. D’un effort commun et désespéré ils vain-