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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/412

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— C’est ce que je voulais dire, mon ami, je n’ai pas le moindre soupçon. Mais l’exactitude est l’âme du commerce, comme les profits en sont le but. Des comptes clairs et une balance raisonnable sont le ciment le plus solide des intimités dans les affaires. Un peu de franchise dans un commerce secret ressemble à l’équité dans les cours ; elle rétablit la justice que la loi avait détruite. Que me veux-tu ?

— Il y a bien des années, alderman van Beverout, que commença ce commerce secret entre vous et mon prédécesseur, celui que vous avez cru mon père, mais qui ne méritait ce titre que par la protection qu’il a donnée au fils orphelin d’un ami.

— Cette dernière circonstance est nouvelle pour moi, répondit le bourgeois en inclinant la tête. Cela peut expliquer certaines légèretés qui n’ont pas été sans me causer quelques embarras. Voilà vingt-cinq ans au mois d’août prochain, et douze ont été sous tes auspices. Je ne prétends pas dire que les entreprises furent moins heureuses de ton temps. Les profits ont été tolérables. Je deviens vieux, et je pense qu’il est temps de renoncer à tous les hasards de la vie. Deux ou trois, ou tout au plus quatre voyages heureux termineront toute affaire entre nous.

— Cela arrivera plus tôt. Je suppose que l’histoire de mon prédécesseur n’était point un secret pour vous. La manière dont il fut chassé de la marine des Stuarts parce qu’il s’opposait à leur tyrannie, son arrivée avec sa fille unique dans les colonies, et sa résolution de faire le commerce libre pour se procurer des moyens d’existence, sont des choses dont nous avons souvent parlé ensemble.

— Hem ! — J’ai une bonne mémoire pour les affaires, maître Écumeur, mais je suis aussi ignorant qu’un lord de fraîche date l’est de sa généalogie, de tous les événements passés. J’oserais dire, néanmoins, que tout cela eut lieu comme vous venez de le dire.

— Vous savez que lorsque mon protecteur quitta la terre ferme il emmena tout ce qu’il possédait avec lui.

— Il emmena un bon et rapide schooner avec une cargaison de tabac choisi, bien lesté avec des pierres des côtes. Ce n’était point un admirateur de dames Vert-de-Mer, ni d’élégants brigantins. Souvent les croiseurs royaux prirent le digne marchand pour un industrieux pêcheur !

— Il avait ses goûts, et j’ai les miens. Mais vous oubliez une