Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/106

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presque égales par un canal beaucoup plus large que les passages ordinaires de la ville. Ce canal, tant à cause de sa largeur et de sa profondeur que de son importance, est appelé le grand canal. Il décrit dans sa course une ligne onduleuse qui augmente beaucoup son étendue. Comme il est souvent fréquenté par les plus grandes barques de la haies, étant par le fait un port secondaire, et que sa largeur est considérable, il n’a dans toute son étendue qu’un seul pont, le célèbre Rialto. La regatta devait avoir lieu sur ce canal, qui offrait la longueur et l’espace requis, et qui, étant bordé des palais des principaux sénateurs, présentait toutes les facilités nécessaires pour être témoin du spectacle.

En parcourant d’un bout à l’autre ce grand canal, les marins destinés à disputer le prix n’avaient pas la permission de faire le plus léger mouvement. Leurs yeux étaient fixés sur les magnifiques tentures qui, comme c’est encore l’usage aujourd’hui en Italie, flottaient à chaque fenêtre, et sur des groupes de femmes dans une riche toilette, brillantes de cette beauté particulière aux Vénitiennes et qui garnissaient tous les balcons. Ceux qui étaient en service se levaient et répondaient aux signaux encourageants qu’ils recevaient des fenêtres en passant devant les palais de leurs maîtres, tandis que les gondoliers publics cherchaient du courage dans l’expression du visage de leurs amis placés au milieu de la foule.

Enfin, toutes les formalités ayant été strictement observées, les compétiteurs prirent leur rang. Les gondoles étaient beaucoup plus grandes que celles dont on fait usage ordinairement, et chacune était conduite par trois marins, au centre de la barque : ces marins étaient dirigés par un quatrième, qui, debout sur le petit pont de la poupe, tenait le gouvernail, en même temps qu’il aidait à presser le mouvement du bateau. On voyait à l’avant de légers bâtons avec des drapeaux, qui portaient les couleurs distinctives de plusieurs nobles familles de la république, ou qui étaient simplement ornés, des devises suggérées par l’imagination de ceux auxquels elles appartenaient. Quelques mouvements d’aviron, semblables à, ceux que fait un maître d’escrime avant de commencer à se mettre en garde, donnèrent le signal ; alors les gondoles, en tournant sur elles-mêmes, imitèrent l’impatience d’un coursier qui se raidit contre son frein ; puis au signal d’un coup de canon, elles s’élancèrent en même temps comme si elles eus-