et les autres sur les galères de l’État. Pourquoi des frères voudraient-ils répandre le sang les uns des autres ?
Le mouvement parmi les juges devint plus manifeste que jamais. Ils chuchotèrent ensemble, et un papier contenant quelques lignes écrites rapidement au crayon fut remis entre les mains du secrétaire examinateur.
— Tu t’es adressé à tes compagnons, et tu leur as parlé ouvertement de tes prétendus griefs ; tu as commenté les lois qui requièrent le service des citoyens lorsque la république est forcée d’envoyer une flotte contre les ennemis ?
— Il n’est pas facile de garder le silence, Signore, lorsque le cœur est plein.
— Et vous vous consultâtes pour venir en corps au palais demander au doge la liberté de ton petit-fils au nom de la populace du Lido ?
— Signore, il y en eut d’assez généreux pour me l’offrir ; mais d’autres furent d’avis qu’il fallait réfléchir avant de prendre une mesure aussi hardie.
— Et quels furent les conseils que tu donnas ?
— Excellence, je suis vieux, et quoique peu accoutumé à être interrogé par d’illustres sénateurs, j’en ai vu assez sur la manière dont Saint-Marc gouverne pour croire que quelques pêcheurs sans armes et quelques gondoliers seraient écoutés avec…
— Ah ! les gondoliers sont-ils entrés dans ton parti ? J’aurais pensé qu’ils étaient jaloux et mécontents du triomphe d’un homme qui n’appartenait pas à leur corps.
— Un gondolier est homme, et si leurs sentiments appartiennent à la nature humaine lorsqu’ils ont été vaincus, ils appartiennent à la même nature pour plaindre un père auquel on a ravi son fils. Signore, continua Antonio avec ardeur et avec une étonnante simplicité, il y aura un grand mécontentement sur les canaux, si les galères mettent à la voile avec mon fils à leur bord.
— Telle est ton opinion : les gondoliers du Lido sont-ils nombreux ?
— Lorsque les jeux finirent, Excellence, ils arrivèrent par centaines. Je dois rendre justice à ces hommes généreux, et dire qu’ils oublièrent leur mauvaise fortune par amour pour la justice. Diamine ! ces gondoliers ne sont pas une race si mauvaise que quelques-uns le prétendent ; ils sont des hommes comme