Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/203

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— Ne me trompe pas. — Peut-être tu as encore reçu de mauvaises nouvelles. — Venise…

— Est dans un état effrayant.

— Pourquoi nous as-tu quittés ? — Pourquoi, dans un moment si important pour notre élève, — un moment qui peut avoir la plus grande influence sur son bonheur, — as-tu été absent une longue heure ?

Violetta, sans le savoir, jeta un regard de surprise sur la pendule, mais ne parla point.

— Les serviteurs de l’État ont en besoin de moi, répondit le moine en soulageant ses souffrances d’esprit par un profond soupir.

— Je te comprends, père Anselme. — Tu es allé donner l’absolution à un pénitent ?

— Oui, ma fille, et il en est peu qui quittent le monde mieux réconciliés avec Dieu et avec leurs semblables.

Donna Florinda murmura une courte prière pour l’âme du défunt, et fit avec piété un signe de croix. Son exemple fut imité par son élève, et don Camillo pria aussi tandis que sa tête était penchée vers sa belle compagne avec un air de respect.

— Sa mort était-elle juste ? demanda donna Florinda.

— Il ne l’avait pas méritée, s’écria le carme avec ferveur, ou il n’y a nulle foi à avoir en l’homme. J’ai été témoin de la mort d’un être qui était mieux disposé à mourir que ceux qui ont prononcé sa sentence. — Dans quel horrible état se trouve Venise !

— Et tels sont ceux qui sont maîtres de ta personne, Violetta ! dit, don Camillo. C’est à ces meurtriers nocturnes que ton bonheur sera confié ! — Dis-nous, bon père : ta triste tragédie touche-t-elle en quelque chose les intérêts de cette belle personne ? car nous sommes entourés ici de mystères aussi incompréhensibles et presque aussi effrayants que le destin lui-même.

Les yeux du moine passèrent de l’un à l’autre, et sa physionomie commença à prendre un air moins égaré.

— Tu as raison, répondit-il, tels sont les hommes qui veulent disposé de la personne de notre pupille.

— Bienheureux saint Marc, pardonne la prostitution de ton nom révéré, et protège cette jeune fille par la vertu de tes prières !