Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/215

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Don Camillo n’eut que le temps de se cacher derrière le rideau d’une croisée ; et, la porte s’ouvrant, Annina entra dans l’appartement. Lorsqu’elle vit l’autel préparé et l’air solennel du prêtre, elle s’arrêta avec un air d’embarras, ; mais, se remettant de son trouble avec cette aisance qui lui avait valu l’emploi qu’elle remplissait, elle fit un signe de croix avec respect et se plaça à quelque distance, en femme qui connaît sa situation, et qui désirait assister au mystère que allait célébrer.

— Ma fille, lui dit le moine, quiconque assistera au commencement de cette messe ne pourra nous quitter avant qu’elle soit finie.

— Mon père, mon devoir est d’être près de la personne de ma maîtresse, et je suis charmée de le remplir en assistant à un office de l’Église.

Le carme fut embarrassé ; ses yeux passaient de l’un à l’autre avec un air d’indécision. Tout à coup don Camillo parut au milieu de l’appartement.

— Commencez, mon père, lui dit-il ; ce ne sera qu’un témoin de plus de mon bonheur.

En parlant ainsi, il toucha d’un doigt la garde de son épée d’un air significatif, et jeta sur Annina à demi pétrifiée un regard qui étouffa l’exclamation qui était sur le point de lui échapper. Le moine parut comprendre les conditions de cet arrangement muet, et il commença la messe à l’instant même. La singularité de la situation de toutes les parties, les importants résultats du nœud qui allait être serré, la dignité imposante du carme, le risque qu’ils couraient tous d’être découverts, et la certitude d’être sévèrement punis s’ils l’étaient pour avoir osé contrarier la volonté du Conseil, tout contribua à donner à des noces célébrées dans de telles circonstances un caractère plus grave que celui qui s’attache ordinairement à la cérémonie d’un mariage. La jeune Violetta tremblait à chaque intonation de la voix solennelle du prêtre ; et vers la fin de la cérémonie elle fut obligée de s’appuyer sur le bras de celui à qui elle allait être unie. L’œil du canne s’anima quand il prononça les prières qui précèdent le mariage, et longtemps avant de les avoir finies il avait obtenu sur Annina elle-même un empire qui tenait en respect son esprit mercenaire. La formule de l’union conjugale fut enfin prononcée, et fut