Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/246

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je t’ai donné à garder la dernière fois que je suis venue te voir ?

— Le voici, répondit Gelsomina, ouvrant un tiroir et remettant à sa cousine un petit paquet, mais enveloppé avec grand soin, qui contenait, à son insu, quelques objets de commerce prohibés qu’Annina, dans son activité infatigable, avait été obligée de tenir cachés quelque temps. Je commençais à croire que tu l’avais oublié, et j’étais sur le point de te l’envoyer.

— Gelsomina, si tu as de l’amitié pour moi, ne fais jamais rien de si imprudent ! Mon frère Giuseppe — tu connais à peine Giuseppe ?

— Nous nous connaissons fort peu, pour des cousins.

— Tu es heureuse de ton ignorance. Je ne veux pas dire ce que je pourrais du fils des mêmes parents que moi ; mais si Giuseppe avait vu ce paquet par quelque accident, cela aurait pu te causer de grands embarras.

— Je ne crains ni ton frère ni personne, répondit la fille du geôlier avec la fermeté de l’innocence ; dans quel embarras puis-je me trouver pour avoir rendu service à une parente ?

— Tu as raison ; mais cela aurait pu m’occasionner de grands tourments. Santa Maria ! si tu savais quelle peine donne à sa famille ce jeune homme inconsidéré et malavisé. Il est mon frère, après tout, et tu t’imagineras le reste. — Addio, ma bonne Gessina, j’espère que ton père te permettra de venir voir enfin ceux qui ont tant d’amitié pour toi.

— Addio, Annina ; tu sais que j’irais te voir bien volontiers, mais je ne puis guère quitter ma pauvre mère.

L’astucieuse fille du marchand de vin embrassa sa franche et confiante cousine : celle-ci lui ouvrit la porte, et elle disparut.

— Carlo, dit la douce voix de Gessina, tu peux sortir du cabinet ; nous n’avons pas à craindre d’autres visites.

Le Bravo revint près de Gelsomina, mais les joues couvertes d’une pâleur plus qu’ordinaire. Il regarda douloureusement la douce et affectueuse créature qui attendait son retour ; et comme il s’efforçait de répondre à son sourire ingénu, cette vaine dissimulation donna à ses traits une expression presque effrayante.

— Annina t’a fatigué par ses discours frivoles sur les regatte et sur des meurtres commis dans les canaux. Mais ne la juge pas trop sévèrement à cause de la manière dont elle a parlé de Giu-